« Le ciel rouge », film allemand de Christian Petzold HermineHermineHermineHermine

Un bon film est un film que l’on voudrait ne jamais quitter. On espère une prolongation parce que l’histoire nous touche, parce que les acteurs jouent avec justesse, parce que l’on baigne dans une qualité d’images et de mise en scène. C’est le cas avec Le ciel rouge de l’Allemand Christian Petzold.

Son film a obtenu l’Ours d’argent au dernier festival de Berlin et le Grand prix du jury. Une histoire d’un été de passions amoureuses, dans une maison de famille, vécues par des jeunes Allemands alors qu’autour d’eux les feux de forêts gagnent du terrain.

Le cinéma allemand a-t-il trouvé un véritable successeur à ces grands maîtres du 7e art que sont Rainer Fassbinder, Werner Herzog ou Wim Wenders ? Ce qui est sûr, c’est que Christian Petzold (62 ans), un des chefs de file de la nouvelle vague allemande, impose aujourd’hui sa patte dans cette comédie dramatique en phase avec certaines grandes préoccupations de notre époque. Des critiques de cinéma autorisés, en tout cas, ont volontiers comparé son film à ce que, en France, Eric Rohmer avait entrepris dans sa série de contes, à commencer par son Conte d’été (1996). Oui, dans les deux cas, c’est une histoire qui tourne autour de la séduction et des jeux amoureux. Mais la comparaison s’arrête sans doute là.

Sur la côte baltique

Alors que chez Rohmer domine une forme de marivaudage (bien à la française), chez Petzold c’est plus le mutisme ou le jeu des regards qui donnent consistance au dialogue amoureux. Alors que chez Rohmer, qui a tourné son film du côté de Dinard et de Saint-Lunaire, on baigne dans l’atmosphère insouciante des plages, nous sommes avec Petzold immergés dans un monde plus austère et plus angoissant : celui d’une côte baltique balayée par les vents (le film a été tourné en Mecklembourg – Poméranie occidentale) alors que gronde la menace d’incendies de forêts.

Les deux principaux acteurs du film se mettent, avec talent, au diapason de cette atmosphère particulière créée par le metteur en scène, faite de tensions, de rancoeurs, de jalousies. Nadja (interprétée par la lumineuse Paula Berr, 28 ans) et Leon (Thomas Shubert, 30 ans) nous séduisent de bout en bout par la qualité de leur interprétation. Autant la jeune femme affiche sans complexe ses dons de séduction, autant le jeune homme se rencogne, comme paralysé par l’émoi qu’il ressent dans le compagnonnage de la jeune femme. Il faut dire qu’ils ne sont pas seuls. Car vivent aussi avec eux deux autres jeunes hommes : un ami de Leon, adepte de la photograhie, et le surveillant de baignade de la plage voisine avec qui Nadja a entretenu des relations.

Le film aurait pu être la simple narration de jeux amoureux. Il n’en est rien, car ce qui fait sa force, c’est la manière dont le metteur en scène tire habilement profit de la personnalité des deux principaux protagonistes. Leon, écrivain en devenir, entend profiter de ces vacances pour peaufiner un manuscrit de roman. Nadja, elle, utilise ses congés pour gagner un peu d’argent en vendant des glaces près la plage. Elle dira à Leon, qui lui avait confié son manuscrit, ne pas du tout aimer son roman. Il en sera mortifié. Mais le film nous révèlera que Nadja n’est pas cette simple vendeuse de glaces que Leon pense avoir devant lui.

C’est de là que ce film tire, finalement toute sa richesse. Qui sommes-nous ? Que cachons-nous de notre moi profond ? Ce conte d’été incandescent tente, mine de rien, une approche intelligente de ces questions.

Pierre TANGUY.

Le ciel Rouge, film allemand de Christian Petzold, titre original Roter Himmel, V.O., 2023, 1 h 42, dans les salles depuis le 6 septembre.

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