« Perfect Days » de Wim Wenders HermineHermineHermineHermine

Il suffit  parfois de peu de choses pour faire un grand film. Wim Wenders nous raconte, par le menu, le quotidien d’un employé des toilettes publiques de Tokyo. Un scénario a priori pas très emballant mais le cinéaste allemand arrive à nous proposer avec son film Perfect days une forme d’hymne à la vie, un éloge de la simplicité et des petits bonheurs. C’est un vrai régal.

Une vie ordinaire, des journées bien structurées. Ce sont le jours parfaits (Perfect Days) de Hirayama, ce quinquagénaire employé par la ville de Tokyo pour nettoyer les toilettes publiques (au demeurant plutôt propres et à l’architecture bigarrée). Pas de quoi sauter au plafond, néanmoins, si l’on vous propose d’aller voir un tel film, même si l’on se doute bien qu’un cinéaste de la trempe de Wim Wenders (78 ans), le plus américain des cinéastes allemands, ne va pas se contenter de nous proposer un film à portée sociale. C’est d’abord le portrait d’un homme vibrant par sa liberté intérieure qu’il nous montre à l’écran. Certes Hirayama vit dans une forme de routine (et rien ne nous est épargné sur son lever, sa toilette sommaire, ses repas sur le pouce ou dans un restaurant populaire, son passage aux bains publics, son sommeil agité de rêves en noir et blanc). Mais l’important est cette ouverture vers d’autres horizons – ceux de la sobriété et de la contemplation – que nous propose Wim Wenders à travers son personnage central.

Hiramaya écoute systématiquement une cassette de musique dans sa camionnette en partant au travail. Nous voici emportés avec lui par les chansons de Lou Reed, Patti Smith, Nina Simone et bien d’autres (Le premier air entendu dans le film est le mythique The house of the rising sun chanté par The Animals).  A midi, au moment de son pique-nique dans un parc de la ville, il photographie les arbres. Le soir, avant de se coucher, il lit William Faulkner ou Patricia Highsmith. Mais Hiramaya n’est pas un « intello ». Disons qu’il habite poétiquement le monde. Tout lui est source d’émerveillement.

Si la ville est bruyante (des plans de coupe réguliers nous donnent la mesure de l’intense brouhaha de la circulation), elle est aussi le lieu où l’on peut trouver des moments d’apaisement : en levant les yeux au ciel au moment de quitter sa maison, en s’attardant sur ls jeux de l’ombre et de la lumière dans le feuillage, en croisant le regard d’inconnus…  De menus faits viennent aussi pimenter cette vie d’une simplicité monacale, par exemple l’histoire de cet enfant oublié dans les toilettes ou encore cette mystérieuse feuille de papier glissée dans un recoin des toilettes et qui devient l’objet d’un échange à distance avec un inconnu.

Wim Wenders montre aussi dans ce film la rupture culturelle qui s’opère avec les jeunes générations connectées. Par exemple à l’occasion de la visite d’une nièce, ignorante du fonctionnement des cassettes, ou encore quand un jeune collègue bâcle son travail, nettoyant des toilettes d’une main et pianotant sur son i-phone d’une autre.

Le réalisateur allemand signe avec ce film un autre chapitre de son histoire d’amour avec le Japon. Son Perfect Days sort trente-huit ans après Tokyo-Ga, un documentaire en hommage au cinéaste japonais Ozu. Wim Wenders avait obtenu la Palme d’or à Cannes en 1984 avec Paris-Texas. Trois ans plus tard, son film Les ailes du désir avait connu un énorme succès. Il a hérité en 2023, à Cannes, du prix d’interprétation masculine pour son nouveau film ainsi que le Prix du jury œcuménique. Un hommage plus que mérité.

Pierre TANGUY.

Perfect Days de Wim Wenders, film germano-japonais, avec Koji Yakusho (Hirayama), Arisa Nakano (Niko), sortie en salle le 29 novembre 2023, durée 2 h 03.

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