Brestois, Yann Tiersen est un auteur-compositeur-interprète multi-instrumentiste. Enfant du rock, ses premiers disques sortent sur des labels indépendants, puis il connaît le succès international grâce au film Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain en 2001. Depuis, ses mélodies entre romantisme et détermination ne cessent de lui échapper en parcourant le monde. Son dixième album studio s’intitule All, il est chanté en breton, car non content d’enregistrer à Ouessant depuis plusieurs années, l’homme s’y est définitivement installé.

Vous avez enregistré ce disque à Ouessant ?
Oui c’est un studio un peu à l’ancienne avec plein de matériel analogique comme une console SSL. Gareth Jones (Depeche Mode, Wire, Einsturzende Neubaten…) en a assuré le mixage et la production. J’ai eu le plaisir et le luxe de prendre mon temps. Ce n’est pas la première fois que je m’isole sur l’île, j’ai enregistré mon premier album à Ouessant en 1997, Le Phare, sur le précédent EUSA chacun des morceaux racontait un endroit précis. La seule différence est le confort de ce nouveau studio.

Vous êtes désormais complètement installé à Ouessant, vous avez même décidé d’y ouvrir une salle.
C’était autrefois la discothèque de l’île, L’Escale, et depuis une quinzaine d’années, elle était fermée. Je redonne vie à un lieu rebaptisée L’Eskal, c’est à la fois un espace privé, il m’appartient c’est là que je travaille et que j’enregistre mes disques, et un espace public, car je peux y organiser des concerts, de moi et d’autres. L’Eskal fait 200 places. Je peux la louer, des groupes peuvent y venir en résidence… Ce n’est pas qu’une salle de spectacle c’est aussi un studio de répétition, d’enregistrement… Et puis il y a un bar, la géographie de la salle était prévue comme cela, j’aime ce lieu. Il me semblait inconcevable que ce lieu reste fermé, ça redonne aussi quelques emplois. J’ai quitté Paris pour habiter Ouessant il y a maintenant cinq ans, j’y allais régulièrement depuis toujours, désormais j’y réside.

Est-ce une l’envie de prendre du recul par rapport à ton métier de musicien, une envie de partager ton savoir-faire ?
C’est aussi et avant tout mon outil de travail.

Que représente la pochette ?
Une photo noir et blanc de la mer se retirant sur le sable…

L’avez-vous acheté avec les droits d’Amélie Poulain ?
Non, grâce à mes tournées. Je pars sur la route aux quatre coins du monde régulièrement et longtemps. Le premier concert de ma nouvelle tournée a pris place à l’Eskal, en février je serai en Europe du nord, en mars et en mai je serai aux Etats-Unis. Je me suis tout de suite rendu compte que la France était trop étroite, qu’il ne fallait surtout pas s’en contenter, donc, depuis vingt ans je m’exporte. En Europe, mais également aux Etats-Unis, en Asie et Amérique du sud, il n’y a aucune raison d’avoir de complexe, il faut juste y croire. C’est pour cela que je suis sur un label anglais Mute, distribué par PIAS en France et que j’ai un manager anglais. J’encourage tout le monde à se concentrer sur l’international, beaucoup de groupes indépendants tournent chez les voisins, les réseaux sociaux nous aident.

Votre disque est chanté en breton, vous êtes populaires dans des villes comme New York où de nombreux bretons se sont exilés, peut-on parler de diaspora bretonne ?
Peut-être mais je ne la connais pas. Je parle breton, mais je me sens plus proche de ceux qui habitent les Cornouailles que des nantais. Et vous savez pourquoi ? Parce qu’il n’y a que la mer entre nous. Lorsque vous habitez une île vous êtes obligé de l’emprunter pour voyager donc d’aller vers les autres. Les Bretons sont traditionnellement des voyageurs, nous sommes ouverts sur les autres, sur le monde à cause de cet océan. J’ai réellement l’impression de perpétuer une tradition de marins en me produisant à New York ou en Australie pas d’appartenir à une quelconque diaspora.

Quels sont les groupes que vous avez écouté adolescent ?
Einsturzende Neubaten est le premier nom qui me vient à l’esprit, j’ai toujours beaucoup aimé et écouté les groupes de rock allemand tels Neu ! ou Can. De la musique industrielle et électronique. Quand j’étais ado il y avait la Mano Negra aussi.

Comment est venue la musique ?
Je suis né en 1970 et super tôt mes parents m’ont emmené à un concert où il y avait un violoniste. Je suis enfant et je craque sur cet instrument, surtout l’archer, c’est pour moi un bâton de cristal magique. Je commence par le piano et le violon, de 6-7 ans à 13-14 ans, mais j’arrête très vite pour passer à la guitare électrique. Ensuite, c’est à cause des samplers qu’en 1994-1995 je retouche un piano. J‘ai passé vachement de temps à sampler des trucs, mais les Young Gods sont passés par là. Ils m’ont beaucoup impressionné et fait réfléchir à la chose. C’est à cause d’eux que je me suis mis à créer mes sons que j’allais sampler, c’était comme une évidence. Sur le premier album La Valse Des Monstres, il y a un toy piano, que j’ai joué et samplé, touche par touche, note par note.

Propos recueillis par Christian EUDELINE

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