De la première image à la dernière, Viendra le Feu d’Oliver Laxe fascine, attire, foudroie, dévaste, embrase, emporte.

C’est un film rare, exceptionnel, oui d’exception. Mystique, envoûtant, envoûté. La voûte est une forêt, un pays, la Galice. La vieille et magnifique Galice espagnole que traverse un autocar avec un passager dont la banquette avant ne permet de montrer que le haut de son visage.

L’homme est beau, moins découpé que Xavier Grall mais on y pense. L’acteur, est-ce un acteur, Amador Arias, juste, parfait, un non-acteur. Homme de là, somptueux, silencieux, céleste.

L’homme rentre de prison, il a pris deux ans. Il rentre dans une autre prison, sa maison, sa vallée, sa montagne, sa forêt, le fond du fin fond d’une vallée aux tréfonds de la Galice espagnole. Sa mère est là, derrière la barrière, un bouquet de choux dans les mains. Elle n’a pas bougé, l’accueille.

Parlons d’elle. Magnifique, chenue, grandissime non-actrice à l’instar du premier. Elle s’incarne, nous déborde, passe de l’écran sans écran à notre poitrine où elle pulse et impulse. Elle se nomme Benedicta Sanchez. Elle est bénie et sainte ! Notre mère à tous !

Le film est un road-movie entre chemins de traverse, sentiers ou flancs secs à descendre. Un road-movie qui ne bouge pas sauf au pas lent de trois vaches. Une d’elle est malade et on croit qu’elle se noie. Comme est noyé ce pays de pluies, de vent, d’isolement et de haines recuites dont on ne sait rien, qu’on ne comprend pas et qui dépassent aussi ceux qui en font les frais, se poussent à terre, voudraient se tuer.

Le feu semble ne jamais s’éteindre sous la trémie racinaire des eucalyptus. Ce ne sont pas des chênes qu’on abat comme dit Malraux répétant Hugo mais des eucalyptus en chaîne qu’ils abattent et, sitôt abattues, ces chaînes à nouveau encerclent, ligotent encore, étranglent : le feu, les cendres, l’eau, le feu, les cendres et l’immense foi dans soi. Vivre dans cet univers insulaire nécessite une force herculéenne, savez-vous ! Oliver Laxe, fils d’émigrés parisien, en rejoignant le village de ses ancêtres nous le montre à sa manière, sans le démontrer.

Le monde est beau jusqu’au moment où il est laid. Le ciel est haut tant qu’il ne s’enterre pas. Ouf, le lait jaillit du pis. Ouf, la vache nourrit encore dans cette maison où il n’y a rien d’autres qu’une antique cuisinière chauffant les chaussettes et les mains de la vieille femme qui, en trayant, parlent à la vache. Son front contre le ventre pour une égalité entre la vache et elle.

Rien que deux humains, trois vaches et un chien.

La chienne s’appelle Luna. Après le film, en rentrant chez moi, je sens ses quatre pattes griffant le trottoir derrière moi, son museau sur ma cuisse à l’arrivée quand je m’asseois. Grande magie de ce film qui passe un peu, pas beaucoup, de temps en temps. Notamment au TNB à Rennes, il faut viser !

Visez au plus vite cette vision !

Gilles CERVERA
Viendra le feu , un film d’Oliver Laxe – 1h 25

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