Déjà 18 ans que The Craftmen Club arpente les routes de Bretagne et d’Europe. Avec leur nouvel album « Colores », les Guingampais marquent une nouvelle étape : celle du français assumé. Un changement plus radical qu’il n’y parait. Steeve s’en explique dans une interview réalisée sur ses terres à une encablure du Roudourou.

Avec « Colores », les années John Spencer sont définitivement loin derrière. Pourquoi ce virage presque pop depuis deux albums ?
Steeve
 : C’est naturel. Peut-être qu’avec l’âge, on s’assagit, Mais à l’époque on écoutait déjà tout un tas de truc. Et puis entre « Colores » et les premiers albums, c’est écoulé pas mal de temps. Ceci dit sur scène, les anciens et les nouveaux morceaux ont autant d’énergie. Aujourd’hui, on trouve même ça beaucoup plus fort, plus interprété… Sans que le volume sonore ait augmenté !

Chanter en français, c’est également un virage ?
Steeve : J’ai toujours voulu chanter en français. Et j’ai toujours admiré les artistes qui chantaient en français comme Daniel Darc, Jacques Brel ou Bertrand Canta, même si je ne suis pas un fan de Noir Désir, j’ai toujours admiré ce qu’il arrivait à placer sur du rock. Sur « Thirty six minutes », il y a deux textes en français, mais ce n’est pas moi qui les ai écrits. Ils sont signés Gabriel Barry qui a d’ailleurs réalisé « Colores », Sur le dernier album il a signé « Nos enfants rois » et une partie du titre éponyme. Les autres, c’est moi. J’ai réussi à me livrer. C’est ce que j’ai toujours voulu faire. A tel point que je pense qu’on ne reviendra pas sur l’anglais en fait. L’anglais c’est bien pour le rock’n’roll, mais dès que tu veux te livrer, raconter une histoire, y’a pas de secret, c’est dans ta langue que ça se passe, ne serait-ce que pour la sincérité. On a beaucoup travaillé avec des anglais et des américains en production. Et à chaque fois ce discours : ils ne comprennent pas pourquoi on chante en anglais.

Jusque là, tu refusais de sauter l’obstacle ?
Steeve : J’ai toujours écrit en français. Mais je n’osais pas. C’est de la pudeur… Avec le français t’es à poil. De plus, en France, on est tellement exigeants sur la langue.

Qu’est-ce qu’à apporté Gabriel Barry sur « Colores » ?
Steve : Tout ce côté pop justement où on part complètement ailleurs comme sur les titres « Colores » ou « Nos enfants rois », Il a un côté Nick Cave. C’est un très bon musicien, un très bon arrangeur et un très bon écrivain aussi.

Et Robin Millasseau arrive à la guitare sur cet album.
Steeve : Oui, il est arrivé juste avant l’enregistrement de l’album. Certains titres étaient déjà écrits, mais il a fait tout le processus avec nous. C’est un membre à part entière : il est sur la pochette (rire).

Du coup, entre le groupe de Robin (Wicked) et le groupe de Yann et Marc, Thomas Howard Memoriel, comment The Craftmen Club s’en sort ?
Steeve : Quand Craftmen Club sort un album, Thomas Howard travail le sien. On est toujours en décalé. Wicked, c’est nouveau, mais pour l’instant ça ne pose pas de problème. On n’est pas sur le même créneau. Et puis le groupe est soudé depuis 18 ans qu’on existe. On est comme un vieux couple. Je leur permets d’aller souffler ailleurs (sourire).

Pour réussir aujourd’hui dans la musique, c’est quoi la recette ?
Steeve : il faut être au maximum partout. Dans l’écrite, l’image, les réseaux sociaux… Pour nous c’est plus dur. On a 40 balais. Quand on a commencé, Myspace en était à ses débuts… C’est aussi pour ça que The Craftmen Club connait des projets parallèles. Gagner sa vie avec la musique c’est encore possible si ça marche vraiment, mais…Tu vois, moi, je fais du son, je travail dans un studio d’enregistrement. On a tous des jobs à côté.

Et le fait de chanter en anglais au début, c’était un atout ?
Steeve : En fait, on a davantage de chance de tourner à l’étranger en chantant en français. Regarde Yelle par exemple qui cartonne aux Etats Unis. Le côté exotique sûrement.

Et chanter en Breton ?
Steeve : Je ne sais pas. Je ne parle pas breton. Y’a un groupe qui le fait, celui de Brieg Guerveno. Et ça marche super bien. Déjà, on élimine l’anglais, alors si on commence à mettre du breton !

Quand on est un groupe de Gwengamp, l’avenir est forcément à Roazhon ou à Paris ?
Steeve : On nous a souvent dit : « Il faut aller à Paris ! ». Tu vois, ça fait 18 ans qu’on est là, on tourne toujours. Si on avait déménagé à Rennes ou Paris, on aurait splité depuis longtemps. Alors, peut-être qu’on est passé à côté de rencontres, qu’on n’est pas dans le « milieu ». Mais à l’inverse on a une image de groupe authentique. Même si on fait la promo du disque à Paris, on n’est pas obligé d’y habiter.  Je vois ce qui se passe à Rennes, il n’y a plus de groupes, simplement des projets : les musiciens essayent un an, si ça ne marche pas, ils montent un nouveau projet. Un groupe, ça se fait sur 10 ans. C’est comme l’apprentissage d’un métier, il faut du temps.
Un groupe de rock, ce sont 3, 4 ou 5 ados qui ont appris à jouer ensemble et qui du coup, créé un style avec des défauts qui sont devenues des qualités. C’est vrai qu’en 2017, 10 ans c’est long. Maintenant tout doit aller super vite. Mais, je vois pour notre album, on travaillé pendant 3 ans et ont sait que 3 mois après sa sortie, sa vie est terminée. Sauf exception, l’espérance de vie est limitée.

Quel est l’état du rock à Gwengamp ?
Steeve : A Guingamp, y’a rien. Y’a 10 ou 15 ans, il y avait une scène, deux clubs qui accueillaient les groupes locaux. Maintenant, c’est fini, la Galopin a fermé. Les jeunes sont dans la musique électro. Il sont DJ. Mais, on voit bien, à la Fête de la Musique, y‘a plus personne. C’est mort. Un peu à l’image du centre ville : les magasins ferment… Mais quand je vois la tristesse des ces centres villes désertés je me dis que le rock ne peut que renaître. Les Beatles, les Clash… Tous sont nés dans la galère. Le rock vient de là. On voudrait bien faire notre concert de sorti de l’album à Guingamp, mais il n’y a plus un bar, plus rien. Du coup, va aller à La Citrouille à Saint Brieuc

Où va-t-on pour écouter du rock quand on est de Gwengamp ?
Steeve : Brest. J’ai toujours trouvé Brest beaucoup plus vrai que Rennes. Rennes est un peu l’enfant gâté : il y a tout.

Vous êtes tous les 4 de Gwengamp ?
Steeve. Non. Yann est de Plouha, Marc de Saint-Brieuc, Robin de Morlaix. On se retrouve à Plouha pour répéter, on a un local là-bas.

Et « Animals » est toujours l’hymne du Roudourou ?
Steeve : Je ne sais pas, ça fait longtemps que je n’ai pas été au stade. En fait, il y a eu un problème entre le cop et les dirigeants. Ces derniers voulaient mettre « Animals » comme chanson du club. Les gens du club – non pas qu’ils n’aiment pas la chanson – mais pour emmerder les dirigeants, ils voulaient une autre chanson. Au final, lors de la dernière saison, elle passait quand même à chaque match. Aujourd’hui, je ne sais pas. La démarche est vraiment bonne quoi qu’il en soit. Prendre un groupe local, c’est un peu comme les anglais. Je crois qu’ils l’on fait à Rennes avec Bikini Machine.

Propos recueillis par Hervé DEVALLAN

Chronique de « Colores »

Le 25 novembre au Liberté (Roazhon)
Le 29 novembre au Vauban (Brest)
Le 8 décembre au Zénith (Naoned)
Le 9 décembre à l’espace Avel Vor (Plougastel)
Le 16 décembre à La Citrouille (Sant Brieg)

0 Commentaires

Laisser un commentaire

Abonnez-vous à notre newsletter

Edito

Articles similaires

Autres articles de la catégorie L'invité