Le poète et écrivain breton Armand Robin (1912-1961) est toujours demeuré une forme d’énigme. Ecrivain inclassable, suscitant de-ci de-là des polémiques autour de sa personnalité et de son œuvre, il est reconnu aujourd’hui comme un auteur majeur.

Il a fallu pour cela l’acharnement de passionnés à même d’éclairer la portée d’une œuvre protéiforme (poèmes, romans, chroniques radiophoniques…).  Parmi ces passionnés, il y a le Finistérien et ancien enseignant Jean Bescond. Il témoigne de ses découvertes dans un livre regroupant des inédits et différents articles qu’il a publiés dans la revue Spered Gouez (L’Esprit Sauvage) animée par Marie-Josée Christien.

Ne en 1912 à Plouguernevel, au cœur de l’Argoat, dans une modeste famille paysanne où l’on ne parle que breton, Armand Robin va brûler les étapes. Repéré comme un élève doué, il fera sa scolarité au fameux lycée de Campostal à Rostrenen où il sera, de bout en bout, « tête de classe ». Après son bac, grâce à une bourse, il intègre Khâgne au lycée Lakanal à Paris, « mais il échouera aussi bien à Normal’sup qu’à l’agrégation », raconte Jean Bescond. Il faut dire que Armand Robin n’y a pas mis du sien. Le professorat ne l’intéresse pas. Il rêve déjà d’écrire et s’intéresse aux langues étrangères.

En 1933, une bourse du Gouvernement lui permet de se rendre en Pologne puis en URSS. Maîtrisant déjà la langue russe, « il découvre non le paradis escompté, mais la réalité sordide et cachée derrière les paravents montrés aux touristes naïfs et bien encadrés de l’agence Intourist : la misère des paysans dépouillés de leurs terres, les massacres de Kiev de l’année précédente, la vie opulente et insolente des apparatchiks », note Jean Bescond. « Il revient donc de là définitivement anti-communiste ».

Année 1935. Ce sont ses débuts littéraires à la revue Europe, à laquelle il collabore grâce à Jean Guéhenno, son ancien professeur de Khâgne. Il collabore aussi à la NRF, aux Cahiers du Sud… et entame une œuvre littéraire avec son roman Le temps qu’il fait. La période de la guerre le verra « embauché » par le ministère de l’Information et son travail consistera à rédiger un travail d’écoute des radios au gouvernement de Vichy. Mais sa situation privilégiée lui permettra de livrer en secret des informations à la Résistance. Cela ne l’empêchera pas, à la Libération, d’être inscrit sur la liste noire du Comité National des Ecrivains (CNE) animé, entre autres, par le poète communiste Aragon. Toute cette période controversée de  la vie d’Armand Robin est finement analysée par Jean Bescond.

Ses relations avec Georges Brassens

Robin se situe dans la mouvance anarchiste (donc anti-communiste), ce que les poètes et écrivains installés de l’époque ne lui pardonneront pas non plus. Il collabore à la revue Libertaire où il côtoiera un certain Georges Brassens. On lira ici avec intérêt tout le travail accompli par Jean Bescond pour décrire la relation entre les deux hommes. Mais « Robin échappe à tout, note l’auteur, c’est un solitaire absolu et d’une indépendance totale et même suspicieuse ». Depuis 1945, il s’est mis à l’écoute des radios étrangères émanant surtout des pays de l’Est. Il traduit ces écoutes et les vend. « C’était son gagne-pain et il en était très fier ».

L’œuvre poétique et littéraire d’Armand Robin se mène en parallèle. On la connaît mais Jean Bescond apporte son éclairage grâce à des documents inédits. Il nous parle aussi du Robin intime, de l’amoureux, de celui qui restera fidèle à ses terres d’origine, mais aussi de l’homme colérique, passionné, intransigeant. Dans une lettre du 25 mai 1948 à son ami Roger Toussenot, Georges Brassens parlait en ces termes d’Armand Robin : « Je crois que sa position philosophique est une sorte de stoïcisme à la Camus mais en moins positif. Oui, il me semble qu’il est très au courant de l’œuvre de Kafka. D’ailleurs, il lit et écrit plus d’une douzaine de langues ». Brassens avait bien analysé l’homme Armand Robin.

Pierre TANGUY

Entre les lignes d’Armand Robin, Jean Bescond, avant-propos de Marie-Josée Christien, Spered Gouez, collection Sources, 2022, 110 pages, 15 euros.

 

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