Le dernier livre de Fred Vargas est un essai pédagogique. L’auteure des célèbres enquêtes du commissaire Adamsberg change cette fois de registre et s’attaque à l’écologie sur fond de catastrophisme. L’humanité est en péril. Virons de bord sinon le crime sera planétaire. Rien que ça !
Fred Vargas est archéologue de formation. Elle a exercé de nombreuses années en tant que chercheuse au CNRS avec le titre de Docteur en archéozoologie. C’était avant d’écrire. Sans doute a-t-elle conservé de cette époque quelques habitudes universitaires, dont celle d’énumérer ses sources, largement consignées sur 24 pages à la fin de son livre, soit 10% de l’ensemble du texte. Toutes ces occurrences (405 au total) ne sont hélas ! pas vraiment scientifiques. Loin s’en faut. On y découvre même des articles du Monde, des Échos, de Valeurs Actuelles, du Parisien, de Engie… Pourquoi pas ? Toutefois, sans remettre en cause l’intérêt de ces informations qui, pour certaines, sont du recyclage de sources initiales, il est difficile de leur accorder une neutralité a-partisane.
Malgré une investigation fournie au point d’en être parfois hirsute, Fred Vargas développe des arguments convenus et approximatifs – dont Jean-Baptiste Adamsberg ne saurait se contenter pour mener à bien ses enquêtes. Il fait de plus en plus chaud… Les glaces fondent… Les océans sont souillés d’une pollution envahissante… Pesticides… Métaux lourds… Disparitions d’espèces animales… Autant de truismes énumérés sans aucune nuance. Imprécisions. Raccourcis. Oublis. Bref ! Une redite lente et agaçante au fil de mots qui se répètent indéfiniment. L’ensemble est livré en vrac. Sans chapitre. Et l’on regrette les précieux arguments de Rachel Carson qui, dans Le Printemps Silencieux – 1962, contribuaient à une écologie sérieuse… On pense à Jean Dorst, son magnifique Avant que Nature Meure – 1965… On se souvient de l’incontournable Énergie et Équité – 1973, de Ivan Illich… Puis de se dire qu’à de véritables fins écologiques, Vargas et son éditeur Flammarion auraient pu économiser quelques centaines d’arbres transformés en pâte à papier inutile.
Stop au fight club verbal ! Soyons beau lecteur. Fred Vargas amène sa pierre à l’édifice écologique, sa démarche semble honnête malgré des arguments confus et un résultat boiteux, empressons-nous alors de faire comme le Tout-Paris qui applaudit son livre. Viva ! N’oublions cependant pas de dire ceci avant de retirer l’échelle. Même si nous autres des pays riches arrêtions les climatiseurs l’été et le chauffage l’hiver, même à tous devenir végétariens des villes et des champs, même à prendre des vacances écoresponsables : plus d’avion ni de crème solaire pour ne pas abimer les coraux ; oui, même si nous recyclions systématiquement l’eau de pluie pour laver nos futures voitures électriques aux batteries (soit disant) recyclables ; même si ceci et cela et bien d’autres merveilleuses résolutions écolo-chic, notons que dans un demi-siècle l’Afrique aura enfanté deux milliards d’humains supplémentaires qui ne voudront pas vivre comme nous demain, mais comme nous aujourd’hui. Ce sont eux qui videront les océans et pollueront les rivières. Eux qui exploiteront les mines de lithium et toutes les cochonneries qui abiment dame nature lorsqu’elles sont extraites du sol. Eux face auxquels personne n’a aujourd’hui l’honnêteté de dire que la véritable conscience écologique est dans l’effroyable évidence du nombre. Population mondiale à réduire impérativement. En gros. Ce sera Eux ou Nous. La véritable écologie est guerrière. Loin des bons sentiments culpabilisateurs du gratin parisien. D’ici-là, tous en trottinettes nucléaires !
Jérôme ENEZ-VRIAD
© Juillet 2019 – J.E.-V. & Bretagne Actuelle
L’Humanité en Péril, un livre de Fred Vargas paru aux éditions Flammarion, 248 pages – 15€