Faskrudsfjördur, un petit bout de Bretagne en Islande HermineHermineHermineHermine

C’est l’une des histoires presqu’oubliées mais documentées en images dans Quatre Saison en Islande (éditions Favre). Emerveillé par cette île, le photographe Olivier Joly l’a contournée, traversée, explorée pendant près de sept mois.

Quelque part à l’Est, c’est un bout de terre perdu au bout de l’Islande. Comme il y en tant. Blotti tout au fond d’un immense doigt de mer qui s’enfonce dans l’île, un endroit nommé Faskrudsfjördur. Là, pendant plusieurs dizaines d’années entre le milieu du XIXème siècle (1852) et le début de la Première Guerre Mondiale, quelques milliers de Français, en majorité des Bretons embarqués à Paimpol et des Nordistes de Gravelines, venaient y faire escale chaque année en mai pour se ravitailler, récupérer le courrier transporté par des bateaux, et faire provision de sel avant de retourner pêcher la morue sur les bancs d’Islande.

Ils y dansaient parfois avec de jolies Islandaises dans la petite salle de bal construite spécialement. Au grand damn de certains, à l’époque. Selon Pétur Gunnarson, auteur d’un ouvrage sur la pêche en Islande, le lieu et les fjords environnants auraient été fréquentés dès le XVIIème siècle par des marins venus aussi bien de Dunkerque, que de Lorient ou Saint Brieuc. Les conditions de pêche ont toujours été plus que dures. Pas moins de 400 goélettes auraient ainsi sombré dans les parages, entraînant plus de 5000 malheureux par le fond.

Chaque année, les locaux organisent une cérémonie, déposant des roses dans le fjord en mémoire de ces pêcheurs d’Islande. C’est l’un des moments captés par Olivier Joly, auteur de ce beau livre, Quatre Saisons en Islande publié en 2017 aux Editions Favre, et réédité depuis en version augmenté. Ce journaliste qui a découvert l’Islande en 1998 pour Le Journal du Dimanche y est revenu une vingtaine de fois depuis, émerveillé, multipliant les séjours tout au long de l’année. D’où l’idée de réunir dans cet étonnant ouvrage ses images montrant les terres et les visages de l’Islande à travers les saisons. « Je suis tombé un peu par hasard lors de mon premier voyage sur ce minuscule village, se souvient-il, et j’ai été très surpris d’y trouver des noms de rues en français. D’ailleurs, pour les Islandais, Faskrudsfjördur était autrefois la « petite ville française », little frenchtown d’Islande. »

Un village plutôt avec ses 654 habitants recensés en 2013. La baie pouvait accueillir jusqu’à une centaine de goélettes au mouillage. Un hôpital y avait été construit au début du XXème siècle pour soigner les pêcheurs. Depuis, il a été démantelé et remonté dans le village, devenant aujourd’hui un hôtel, le Foss Hôtel, accueillant les touristes dont parfois quelques bretons, revenant sur les traces de leurs ancêtres. Un petit cimetière comptant 49 pierres tombales conserve le souvenir d’autant de marins disparus, entretenus par les Islandais, mais les ossements et les tombes ont été rapatriés par un navire de la Marine Nationale dès 1956. Faskrudsfjördur est loin d’être le seul endroit où l’on relève des traces de passage de ces marins français et bretons.

Sur la côte Ouest, dans le village de Grundarfjördur, on peut trouver un canon rescapé d’un des bateaux baleiniers français ayant fait naufrage en 1720. Avant la morue, les parages étaient fréquentés par des navires chassant les cétacés du début du XVIIIème siècle jusqu’à la Révolution française. « J’ai aussi vu près de Thingeyri, dans les fjords de l’Ouest, peintes sur une tombe, des paroles en français de la chanson Aux sombres héros de la mer du groupe Noir Désir, se souvient Olivier Joly. Par contre, je n’ai pas eu d’explications. » Son prochain livre à venir, prévu pour 2021, aura toujours pour thème l’Islande mais cette fois, vue en noir et blanc.

Frédérick RAPILLY

Quatre Saisons en Islande, éditions Favre, 39 €

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