Voici une bande dessinée dans laquelle l’auteur endosse le personnage d’une vieille fille « à chats », narratrice de son combat pantouflard pour une révolution égalitaire avant la chute du patriarcat ! Plaisant… Drôle… Et singulier…

Alors qu’elle reçoit la visite de ses arrières-petits neveux, tante Isa évoque la façon dont le mâle « blanc-cis-hétéro-CSP+ boomer et dominant » a fini par être annihilé au bénéfice d’une société plus égalitaire et plus juste. Rien que ça ! La mise en garde humoristique de l’éditeur est limpide. « Certains passages relèvent de l’écriture inclusive avec points médians, d’anglicismes en veux-tu en voilà, et de quelques propos à tendance misandre qui pourrait heurter la sensibilité d’hommes un brin susceptibles. Bien entendu, une cellule d’écoute et de soutien psychologique est à leur disposition sur www. fluideglacial.com. » (sic)

Ne pas dessiner à charge

La caricature et l’autodérision sont-elles de bons moyens pour évoquer le féminisme ? Oui selon Isa (Isabelle Denis) et Michel Gaudelette. Comment je me suis radicalisée en Féminazie évoque ce qu’il y a de plus risible, et souvent de plus ridicule, chez les post-féministes contemporaines. Le personnage endosse un rôle contradictoire aux convictions tranchées qui agacent autant qu’elles font rire : jamais loin de la réalité, pour autant toujours proche de l’abstraction utopique féministe. Le titre provocateur fera quelques mécontents. Il n’est en effet guère judicieux d’utiliser le national-socialisme pout faire rire quand il existe mille façons de procéder autrement. Certaines références historiques sont dangereuses à manipuler et toutes les outrance ne se valent pas. L’auteur s’en explique toutefois  : « Féminazie est un terme injurieux, mais il est surtout parfaitement ridicule. Cela ne veut absolument rien dire. De toute façon, le retournement de stigmates est une constante dans toute l’histoire du féminisme. »* Admettons.

Un titre à charge, donc, bien que le dessin n’y est pas. « D’une manière générale, je pense qu’en humour, il ne faut pas dessiner à charge. Si on veut caricaturer quelqu’un que l’on aime pas et que l’on représente juste comme un sale type, […], on rate sa cible. Il faut toujours avoir de l’empathie, et pour cela se mettre à sa place. L’autodérision est donc, en théorie, la formule parfaite. »*  Certes ! La mise en abîme est fort drôle, pétulante et hilarante, les scénarii grouillent d’idées farfelues, leur chute claque juste et cravache d’un effet immédiat, quant à l’humour féministe, son recul est suffisant pour n’être pas abscons. Bravo. Lecture agréable et distractive. Mais ! Si une image vaut mille mots, il est parfois préférable de chercher à comprendre les questions plutôt que les réponses. Comment je me suis radicalisée en Féminazie, n’en apporte hélas ! aucune ; cela revient peut-être à dire que les questions ne sont pas les bonnes.

Petit bijou scénaristique

L’album regroupe des histoires déjà publiées dans Fluide Glacial, complétées par quelques planches additionnelles inédites en esquisses violettes faisant lien entre chaque scénario. Ce détail en fait un petit bijou. Le violet étant la couleur du neutre : ni homme ni femme. Alors ! Faut-il lire Comment je me suis radicalisée en Féminazie ? Oui. Parce que c’est drôle et bien pensé. Malicieux et fantaisiste. Subversif au second degré… Oui parce que le dessin est glouton : il s’apprécie avec avidité jusqu’à l’insatiable… Parce que la femme ne doit être victime d’aucune fatalité… Parce que le projet féministe restructure les sociétés occidentales de façons inédites… Et puis, peut-être aussi parce que toutes les femmes sont belles, méchantes et cruelles, mais elles nous font merveilleusement bien l’amour. Et ça ! Les féministes ont du mal à l’entendre. L’écrire en conclusion de cette chronique est une jouissance très masculine.

* Les citations d’Isa sont extraites in texto du dossier de presse

Jérôme ENEZ-VRIAD
© Mars 2024– Bretagne Actuelle & J.E.-V. Publishing

Comment je me suis radicalisée en Féminazie, une bande dessinée d’Isa et Gaudelette aux éditions Fluide Glacial – 55 pages couleur (21,80 x 28,80 cm) – 13,90€

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