Le Lannionnais Charles Le Goffic (1863-1932) nous revient à travers la réédition de deux de ses nouvelles publiées en 1908 dans son livre Passions celtes.

Le poète et écrivain breton enveloppe ses deux récits d’une atmosphère de tragique où « l’atroce côtoie le sublime », souligne Vincent Gogibu dans la présentation de ces nouvelles. L’ancrage breton ne se dément jamais, aussi bien dans le premier texte, dont l’action se déroule à l’intérieur des terres, que dans le second situé en pleine mer.

Parlant de Charles Le Goffic, son ami Auguste Dupouy disait : « Trop Breton pour patronner certaines bretonneries, trop convaincu que son pays est beau pour éprouver la tentation de l’embellir ». Plusieurs fois couronné par l’Académie française, Le Goffic en deviendra l’un des membres en 1930 et  y fut accueilli par l’écrivain Henry Bordeaux en ces termes : « Toute la Bretagne veut entrer ici avec vous ». Breton, donc, par toutes les fibres de son corps et qui entreprit (après avoir enseigné) de devenir écrivain, à la fois prosateur et poète. On notera que Charles Le Quintrec dans son livre Littératures de Bretagne (éditions Ouest-France, 1992) portait un regard très critique sur son œuvre poétique qu’il disait « faite de banalités sonores » et de « minces strophes ». Il reconnaissait par contre, volontiers, que « c’est en prose plus qu’en vers qu’il donnait la mesure de son talent ».

Un petit potentat d’Ancien régime

On peut effectivement le constater dans ces deux nouvelles rééditées aujourd’hui. La première sous le titre Le Marquis rouge évoque la figure d’un petit potentat d’Ancien régime ancré au cœur de la Bretagne. Ce Markiz-Rû « menait, en plein XVIIIe siècle, la vie d’un féodal du XIII, raconte Charles Le Goffic, courant les auberges et les mauvais lieux ». Il tirait son nom d’une « broussaille de poils roux mais d’un rouge si vif qu’il en fulgurait ». Un jour, c’est un valet « jarrets d’acier et poigne de fer » qui le fera tomber de son piédestal. Le lieu de l’empoignade entre les deux hommes, avec ses « schistes verticaux, taillés en lames de rasoir », sera au diapason de la haine réciproque qui les habite. Pour un dénouement inattendu…

Deux gardiens du phare de Men-Rû

La deuxième nouvelle raconte l’aventure des deux gardiens du phare de Men-Rû, François Labat et Yves Marie Kerguénou, « au cœur des flottantes mousselines de la brume » où se fourvoient tant d’embarcations. Depuis leur vigie, les deux hommes (dont leurs femmes sont sœurs) peuvent apercevoir, quand la brume se disperse, la maison où ils résident avec leurs épouses. Mais un jour ils voient, avec effroi, que l’on dresse un drap noir autour de la porte. Quelqu’un serait-il mort ?

Dans ces deux nouvelles, Charles Le Goffic a l’art de maintenir une tension dramatique, s’appuyant sur tous ces traits saillants de L’âme bretonne (titre des quatre tomes d’un ouvrage qu’il publiera entre 1902 et 1923). Sensibilité à la nature, force des éléments naturels, sentiment de la mort, proximité des vivants et des disparus : tout est fait pour retrouver dans ces deux récits, à l’écriture qui peut paraître parfois datée,  un condensé de ce que Charles Le Goffic entendait exprimer sur cette Bretagne qu’il aimait profondément.

Pierre TANGUY

Le Marquis rouge suivi de Le Drap noir, Charles Le Goffic, La Part Commune, collection La Petite Part, 63 pages, 6,50 euros.

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