Le conseil municipal de Rennes a modifié le règlement d’accès aux bassins de ses piscines. Faute d’être autorisé, le burkini n’est désormais plus interdit, à condition qu’il soit « adapté à la pratique de la nage ».  En d’autres termes, la mairie de la capitale bretonne sous-entend de manière implicite que le combat du voile dans l’espace publique est bel et bien perdu.

« Oui », répond Yvon Léziart, conseiller municipal rennais délégué aux sports, « Oui, le burkini est autorisé dans les piscines municipales de la ville, à condition que ces maillots respectent les conditions d’hygiène et de sécurité. » Et de poursuivre : « Il faut que la tenue de bain soit dans une matière, par exemple le Lycra, compatible avec la pratique de la nage…» On imagine les maitres-nageurs tâter le tissus de ces dames pour vérifier qu’il ne s’agit pas de coton et, auquel cas, leur interdire de plonger. Yvon Léziart encore : «Ça ne choque personne de voir des nageurs avec des combinaisons, tels les triathlètes ou les compétiteurs». Comme si triathlètes et compétiteurs étaient fréquents dans les piscines municipales. Et comme si le burkini était une combinaison banale qui puisse être comparée avec des vêtements de compétition.

Nous ne sommes plus en démocratie lorsqu’une règle est modifiée pour satisfaire le plus petite nombre

S’agissant de laïcité, Yvon Léziart confie à nos amis de Ouest-France : «Dans tous les établissements publics, la laïcité est la règle. Le nombre de femmes nageant avec un burkini est de toute façon très faible à Rennes.» Le conseil municipal a donc mis le feu aux poudres afin qu’une demi-douzaine de femmes puisse venir faire trempette vêtues des pieds à la tête. On appelle cela satisfaire une exigence communautariste à des fins idéologiques et/ou électives. Mais. Et c’est le plus grave. Lorsqu’une règle qui ne posait aucun problème est modifiée pour contenter le plus petit nombre, nous ne sommes plus en démocratie. Tout au moins pas celle de Voltaire et de Beaumarchais.

La laïcité sert à faire avancer l’égalité entre les sexes

Par cette décision, la mairie de Rennes suggère que la laïcité relèverait d’un effroyable sectarisme qui empêcherait certains de vivre pleinement leur foi. L’idée est défendable mais elle est un peu courte. La laïcité joue un rôle de soldat face à l’obscurantisme.  Elle sert à faire avancer l’égalité entre les sexes. Il n’y a pas de féminisme sans laïcité. Raison pour laquelle, dans les lieux publics, c’est-à-dire ceux de la République, ceux dont nos impôts justifient qu’ils existent et soient encadrés par des règles, dans ces lieux conçus pour tous, la loi des citoyens l’emporte toujours sur celle de Dieu. Le port du burkini remet en cause la judicieuse impossibilité de se vêtir comme on le souhaite dans l’espace public. Tout n’est effectivement pas autorisé. Il est par exemple interdit de porter un uniforme nazi dans la rue où de faire du naturisme sur les pelouses de nos villes. En outre, l’acceptation du burkini accentuent la pression faite aux jeunes filles des « quartiers ». S’y ajoute un appel à toutes les fondamentalistes du plongeon en Lycra intégral, qui désormais savent où venir.

Rennes : ville des femmes libres et révolutionnaires

Le burkini n’est pas une tenue comme les autres. Il renvoie aux idéologies totalitaires qui nient la femme et projette l’image d’un islam politique. Son acceptation illustre la méconnaissance du Coran dans lequel aucun texte ne précise quoi que ce soit à propos de ce fichu vêtement. Tout cela n’a aucun sens si ce n’est celui de l’incompétence et de la soumission. D’autant moins de sens que nous sommes en Bretagne, pays où la femme bénéficie depuis des siècles d’une autorité matriarcale en l’absence des hommes partis naviguer. Et puis Rennes… Diable ! Rennes, ville des femmes libres et révolutionnaires. Un circuit touristique leur est même consacré. La balade commence rue des Dames, au cœur du centre historique. On y découvre Marion du Faouët, née en 1717, chef de bande sur les chemins de Bretagne, elle détrousse les nobles, les marchands et les colporteurs ; redoutée autant que courtisée, la brigande sera finalement arrêtée en 1747, puis bannie de la ville avant d’être une nouvelle fois appréhendée pour finir pendue en place publique à Quimper. Ça a une autre allure que le burkini ! Autre exemple. Françoise Elie fut l’une des plus célèbres boites à lettres bretonne de la Résistance durant la dernière Guerre. Elle prit tous les risques à cacher fusils et armes dans son épicerie de la place du Calvaire. Dénoncée. Arrêtée. Torturée. Déportée à Ravensbrück. Françoise Elie survivra et reviendra à Rennes pour y rester jusqu’à sa mort en 1968. Bon sang ! Quid des caprices du burkini face à ça ?

Un choix qui donne raison aux Jacobins

Souvenons-nous de Jérôme Savary lorsqu’il coiffait une femme africaine de dentelle bigoudène. Son propos n’était pas de faire dire « Je suis pour » ou « Je suis contre », seulement d’interpeler chacun sur sa propre identité. Exactement l’inverse du clivage généré par le burkini où personne ne prend objectivement position, le credo l’emporte sur le cogito, chacun s’arcboutant sans chercher à débattre. À commencer par la mairie de Rennes qui n’apporte que des arguments verbeux, pas même politique, des arguments de peu. Pour preuve, l’ultime saillie d’Yvon Léziart : «Il n’y a pas si longtemps, seuls étaient autorisés les maillots de bain pour les hommes et maillots une pièce pour les femmes. Mais la société et les modes ont évolué. (…) C’est pour cette raison qu’en juin, le conseil municipal a voté le nouveau règlement intérieur des piscines rennaises autorisant notamment le port des shorts pour les hommes.» Faire un parallèle entre le port du short et celui d’un burkini relève de l’inculture, de l’inconscience ou de la bêtise. Voir des trois. A l’heure où certaines régions réclament davantage d’autonomie, le choix de la mairie de Rennes donne raison aux jacobins, partisans d’une intransigeance centralisée afin d’encadrer certains abus clientélistes locaux.

Ne nous leurrons pas. Cette affaire atteste que le combat du voile est perdu. On observe déjà des petites filles le porter. La République semble avoir définitivement renoncé. Pire. Elle est devenue complice. Mais diable ! Aussi longtemps que le voile sera obligatoire dans certains pays, aussi longtemps qu’ailleurs les femmes se battront pour ne pas le porter, il faudra lutter bec et ongles contre le burkini chez nous. Question de morale républicaine. Et de paix sociale.

Jérôme ENEZ-VRIAD
© 2018 Bretagne Actuelle & Jérôme Enez-Vriad

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