Depuis l’émergence spectaculaire d’Éric Zemmour dans les sondages à quelques mois de la Présidentielle, nombreux sont ceux qui y voient l’influence secrète de Vincent Bolloré. Folle hypothèse ou judicieuse spéculation, l’industriel breton mobilise-t-il son empire médiatique afin de peser sur l’élection du futur Président de la République ?

Loin des ports africains où le groupe exploite sa logistique, l’empire médiatique de Vincent Bolloré constitue désormais une offre alternative aux discours dominant des élites incarnées par Emmanuel Macron. Le milliardaire breton semble être devenu une menace pour sa réélection depuis qu’Éric Zemmour dicte son agenda politique après avoir pris un envol spectaculaire sur la chaine CNews. Avec la prise de contrôle du groupe Lagardère par Bolloré, les influents hebdomadaires Paris Match et le Journal du Dimanche (JDD) s’engagent sur le chemin de la mythique station Europe 1, rapprochée de CNews depuis cet été. Vincent Bolloré est en train de constituer un vaste groupe d’influence médiatique prônant une ligne conservatrice. Certains s’en réjouissent avec satisfaction là ou d’autres s’en affligent cruellement.

Changement de casting élyséen

Le plus grand ennemi d’Emmanuel Macron ne serait plus Marine Le Pen, mais bien plutôt un magnat de l’industrie portuaire. Son nom ? Vincent Bolloré. Depuis quelques mois, l’homme conquière quantité de médias pour en faire des leaders de première influence qui, les uns après les autres, interpellent au plus haut sommet de l’État. Le Président français a compris que son éventuelle chute passerait par Vincent Bolloré. Les équipes d’Emmanuel Macron sont extrêmement vigilantes. Elles craignent que l’homme d’affaires n’insuffle avec Europe 1 une résonnance idéologique au détriment du casting élyséen actuel. L’inquiétude d’Emmanuel Macron est, en outre, de voir émerger dans les médias français moult déclinaisons incisives contre sa réélection.

L’entrée de la grille du Coq

Nous sommes en juin 2021. Vincent Bolloré est reçu à l’Élysée à l’occasion d’un rendez-vous avec Emmanuel Macron. Le Breton entre par l’arrière des jardins, il se fait ouvrir la grille du Coq, l’entrée des « visiteurs secrets », elle donne sur la fontaine éponyme construite en 1840, située dans le Carré des Ambassadeurs, proche de la place de la Concorde. Une année plus tôt, un dîner avait déjà réuni les deux hommes en compagnie de Nicolas Sarkozy et de leurs épouses respectives. Cette fois, les échanges sont moins affables. « J’entends dire que vous me prêtez des intentions qui ne sont pas les miennes », aurait dit le PDG au locataire de l’Élysée.

La colère de Vincent Bolloré contre Emmanuel Macron couve depuis des mois. Le Président aurait insisté auprès de ses proches afin de l’aider à rendre difficile la tâche de l’industriel, allant même jusqu’à solliciter Angela Merkel pour qu’elle empêche le géant allemand Bertelsmann de céder sa filiale M6 à Bolloré Media. Seulement voilà ! Rien ni personne n’impressionne Vincent Bolloré. Le Breton sait être d’une élégance, d’une courtoisie et d’une rare générosité avec qui procède de manière identique à son égard. Mais diable ! Trahissez-le et Cerbère se réveille. Comment impressionner un homme qui, adolescent, jouait au gin rami avec Georges Pompidou, reçu par ses parents, eux-mêmes grands industriels, dans leur maison finistérienne ?

Les valeurs d’un Breton indépendant et libre

Vincent Bolloré s’est toujours opposé à l’extrême-droite tout en prenant fait et cause pour les valeurs d’un Breton attaché à ses traditions. L’idée d’une France forte le satisfait car elle consolide

la légitimité de son empire ; la force des influences financières s’inscrit hors du temps électoral et des frontières. Il est, en conséquence, impératif d’éviter toute fragmentation sociétale et de lutter face aux minorités séparatistes, tels les islamistes et les écologistes roses, mais aussi face à celles plus caricaturales de l’idéologie woke, celles du véganisme, des néo-féministes, des antifa, des indigénistes, des intersectionnels… Bref ! tous ces révolutionnaires en jupe-culotte qui, au mieux morcèlent la société, et au pire la divisent dangereusement.

2022 sera l’année de l’élection présidentielle, également celle du bicentenaire du groupe Bolloré, ce n’est donc pas un hasard si Éric Zemmour est apparu sur CNews comme le porte-drapeau d’un rassemblement idéologique construit autour des valeurs et de la tradition ; entendu que par valeurs et tradition, Vincent Bolloré signifie : courage, audace et respect ; peut-être aussi : argent, capital et influence, dans le sens où ces derniers mots illustrent l’indépendance, la liberté et le pouvoir de son groupe, comme d’ailleurs ceux de la France. Pour les conserver, l’amplitude des combats à mener ne cesse de s’élargir, celle des obstacles à surmonter de s’agrandir et, s’il faut entrer en lutte contre l’administration Macron ou contre le Président lui-même, Vincent Bolloré n’hésitera pas une seconde.

Une guerre qui ne dit pas son nom

Emmanuel Macron s’est fait élire grâce aux largesses de groupes industriels qui s’opposent à celui de Vincent Bolloré. Parmi eux, citons LVMH via l’entremise de Bernard Arnault, propriétaire de nombreux journaux influents, parmi lesquels Le Parisien, Les Échos, Investir…  ; nommons également le groupe Iliad dont l’actionnaire majoritaire n’est autre que le beau-fils du précédent, Xavier Niel, propriétaire des journaux Le Monde, France-Antilles, Nice-Matin, Télérama… Il se dit que le Président de la République aurait requis plusieurs interventions aux bienfaiteurs suscités afin de minimiser l’influence de Bolloré Média.

Vincent Bolloré a désormais pris le contrôle de Lagardère News. Faisant profit des évidences – Qui habet aures audiendi, audiat ! – il va, à l’image de ce qu’est devenue CNews, imposer une ligne conservatrice sur les ondes d’ Europe 1, dans les pages de Paris Match et dans celles du Journal du Dimanche ; manière de lutter contre la majorité présidentielle qui n’a sans doute (c’est à dire certainement) pas toujours été loyale à son égard. Entre ses adversaires politiques et ses opposants médiatiques, monsieur Macron risque d’affronter à la fois Charybde et Scylla. Ulysse, lui-même, eut du mal à s’en remettre.

Jérôme ENEZ-VRIAD
© Novembre 2021 – J.E.-V. & Bretagne Actuelle

Documentation partielle :
– Vincent Bolloré, une histoire de famille – Un livre de Jean Bothorel aux éditions Jean Picollec – 193 pages – 16€
– Le Monde Magazine

A lire aussi : Vincent Bolloré : Afrique adieu ?

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