Une partie des taxes sur les carburants fossiles doit servir à la transition énergétique engagée par le Président Macron. Aucun scénario n’a toutefois jamais prouvé que les énergies renouvelables pourront un jour se substituer aux autres sans réduction drastique de notre consommation. Qu’en est-il vraiment ?

Nombreuses sont les hypothèses émises pour stopper le réchauffement climatique (soi-disant) dû à la pollution des énergies fossiles. Certaines semblent raisonnables. D’autres apparaissent franchement caricaturales. Sortir du gaz et du pétrole en s’éloignant du nucléaire tout en conservant notre train de vie dispendieux est pour le moins optimiste. Du reste, l’énergie écologique ne prend réellement sens que si elle s’attache à une distribution sur circuits courts, comme c’est le cas pour les produits agricoles. Elle doit en conséquence être locale et régionale, mais aussi responsable, entendu que ce dernier adjectif définit une énergie non-consommée à raison de pouvoir s’en passer. De telles remises en cause impliquent nécessairement des modifications comportementales personnelles et collectives, parmi lesquelles une alimentation énergétique via un système moins centralisé relatif à des aménagements locaux spécifiques : on ne reconfigure pas un réseau de chauffage urbain écoresponsable de la même manière à Brest et à Strasbourg.

D’un point de vue énergétique, la France est un pays à part

« La transition énergétique implique une modification profonde des modes de production et consommation de l’énergie. » Le concept vient d’Allemagne. Il s’agit d’un ensemble de propositions élaborées par l’Öko-Institut  (Institut Allemand de Recherche sur l’Environnement) en 1980. L’idée fut naïvement reprise par la France au début des années 2000, prévoyant de réduire petit à petit les combustibles fissibles (uranium et plutonium) et de les remplacer par des sources d’énergies renouvelables. Mais la France est un pays à part. Parmi les moins émetteurs au monde de dioxyde de carbone grâce, précisément, à sa production nucléaire. Ainsi, 93 % de notre électricité (dont 78 % de nucléaire) est non-émettrice de CO2,  contre 46 % en Allemagne. Le modèle allemand souvent pris en exemple n’est donc pas applicable en l’état chez nous.

Le zéro carbone est illusoire

Cette transition ne peut résulter d’une seule politique étatique, moins encore européenne ou mondiale. Communautés locales et régions y ont une place essentielle afin d’évoluer vers une décentralisation des énergies renouvelables valorisant l’espace rural. La complexité d’une telle mise en œuvre ne se réduit pas à l’idée simpliste du « tout blanc » ou « tout noir ».  Prenons le cas des éoliennes. Selon Olivier Vidal, chercheur au CNRS, « à capacité de production électrique équivalente, les infrastructures éoliennes nécessitent jusqu’à quinze fois davantage de béton, quatre-vingt-dix fois plus d’aluminium et cinquante fois plus de fer, de cuivre et de verre (…) » que les unités de production électrique à partir de combustibles traditionnels. Cela vaut aussi pour le solaire et l’hydrogène. Le zéro carbone est illusoire. Voire mensonger. En outre, le marché énergétique traditionnel est contrôlé par de grands groupes favorisant l’existence d’oligopoles nationaux et internationaux non-concurrentiels. Les énergies renouvelables doivent impérativement s’y ajouter sans s’y opposer. Ce seront des parcs éoliens et solaires, publics ou privés, qui serviront l’alimentation locale d’une maison, d’un quartier, d’une entreprise de proximité, etc. Manière d’impliquer les habitants dans la production dont ils deviendront propriétaires et utilisateurs. Il ne peut en être autrement, car l’acheminement de l’électricité produite par les centrales traditionnelles (charbon, gaz, nucléaire) est continu et modulable à tout moment en fonction des besoins. Rien de tel dans la transition énergétique : personne ne commande au soleil ou au vent. De fait, solaire et éolien ne réussiront pas à satisfaire les besoins d’une industrie centralisée de grande consommation. Les forces de la nature se modulent plus facilement à petite échelle. Au reste, quel intérêt de produire de l’électricité à longue distance ? Si nous voulons garantir la pérennité des prestations écologiques liées à l’énergie, il est essentiel de les envisager, non comme une charge étatique à court terme, mais comme un investissement régional à long terme.

Des COP régionales préférable à la COP 21

La Bretagne fait partie des régions les plus volontaires à propos de la transition énergétique. Les Bretons fourmillent d’idées novatrices au regard des vents et des courants marins. Hélas ! Que faire lorsque l’aide financière ne suit pas ? Seulement 1,23% du budget régional est aujourd’hui dédié à l’environnement. Soit 19 millions d’euros annuels. Somme ridicule pour espérer réunir les acteurs publics, privés et associatifs impliqués dans cette transition face à laquelle le peuple breton est on ne peut plus concerné, puisque sa région est la seule non-nucléarisée du territoire national – avec Paris et l’Île-de-France. L’indépendance énergétique du pays breton n’est pas une gentillesse à psalmodier en cueillant du gui, mais un impératif absolu.

Chaque région doit bâtir un projet énergétique autonome afin d’aboutir à des engagements concrets qui répondent à ses besoins spécifiques, et assure la péréquation tarifaire d’une énergie de proximité pour tous. Chacune est désormais dans l’obligation morale d’un développement écologique durable qui lui sera propre, dont les idées exploitables à l’échelle locale (les franc-Comtois n’ont que faire de l’énergie marémotrice) se poseront en exemple aux mieux des bénéfices de chacune. Plutôt des COP régionales souveraines et efficaces, que des COP 21 grotesques qui ne servent à rien autrement qu’à enrichir leurs organisateurs.

Jérôme ENEZ-VRIAD
© Novembre 2018 – Bretagne Actuelle et Jérôme Enez-Vriad

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