L’architecte d’origine basque (1905-1991) a changé notre paysage urbain breton ! Rennes notamment fête les quarante-cinq ans de son quartier Colombier. Arretche est mal connu, peu reconnu. Sa signature un peu beaucoup fondue dans les reconstructions d’après-guerre ou les grands quartiers vite faits-bien faits selon les uns, vite faits-mal faits selon d’autres.

Trente Glorieuses, Plan Marshall, bref la nécessité d’accompagner le  relogement. Des populations entières peuplent les bords de ville dans des cités provisoires que les Américains ont laissées derrière eux. C’est le cas à Rennes.

Le cas de Saint Malo ou Coutances pire encore. Ce sont des champs de ruines, rendant la reconstruction une urgence absolue. Redessiner la ville ou reproduire l’ancien ? Saint Malo opte pour le fac similé, Coutances moins.

Louis Arretche est à la manœuvre. Quasi un architecte institutionnel. Peu de fantaisies. La ligne est perpendiculaire et l’épaisseur du trait un fil en béton préformé que les grues montent comme un jeu d’enfants.

Au centre-ville de Rennes, des quartiers entiers craignent de s’effondrer sur leur misère. Les taudis et les cours aux puits pollués fument. C’est le cas à Bourg L’évêque, dont on charge Georges Maillols de redessiner les fondamentaux.

C’est la situation dans le quartier de la rue Nantaise, une Rue de la Soif bis bordée par des rubans de taudis dont les rez sont des rades.

Près du Champ de Mars encore voué aux voitures, la caserne du Colombier ouvre aux lacis maussades d’un bord de gare. Louis Arretche est recommandé au maire Henri Fréville. Le dessin est à larges traits d’où trois tours doivent jaillir.

La municipalité Edmond Hervé qui arrive aux manettes en 1977 interrompt le processus. Reste la tour totémique, l’emblématique Éperon que lors d’une conférence récente l’élève d’Arretche, Joël Gautier, compare à un bel épi de maïs ou selon, une ruche !

C’est vrai que les balcons très détachés créent sur cet ensemble vertical une dynamique sculpturale. Les métaphores sont nombreuses pour qui hante la dalle traversante en-dessous. Les mentons se lèvent et l’œil a d’autant de plaisir que toutes ces balcons en épine l’attrapent !

On aime (et on raille) l’amour rennais pour ses deux tours emblématiques que sont l’Éperon d’Arretche et les Horizons de Maillols et la détestation désormais assez conventionnelle des tours de grande hauteur. On les voit de loin, on les montre du doigt en descendant dans la cuvette rennaise. On les aime avec l’index ou lorsque, dans Rennes, par une perspective du quartier classique, on aperçoit un de leurs sommets. Raillons donc cette néo-phobie des tours qui incarnerait, paraît-il, une vieille réminiscence de la tour infernale !

Arretche a travaillé sur le Colombier en dalle surélévée, plaçant les voitures dessous et les piétons dessus. La gestion de ces espaces dessus/dessous/dedans/dehors est d’autant redoutable désormais aux garants de l’espace public. Sans compter à l’intérieur de la citadelle Colombier, l’incapacité des non-habitants à gérer les circulations, et pire, à se repérer dans les places (des Colombes, Gl Koenig ou Ml Juin) et les couloirs du labyrinthe. Outre son manque de verdure, son absence de sortie vers l’ouest voire la  frontalité inhospitalière d’un dos de quartier lorsqu’on vient du boulevard de la TA, le Colombier pourrait donc avoir tout faux sauf cet heureux totem en son cœur, immeuble de luxe pour salariés moyens, tel qu’il est toujours décrit par ses habitants dont la vue panoramique est époustouflante.

Arretche signe aussi l’audacieuse courbe du toit en béton de la salle Omnisport devenue Le Liberté. Les fesses de l’architecte, c’est le petit nom charmant de cette vaste courbure blanche dont le CNIT La défense serait l’autre référence.

Arretche a aussi, notamment, dessiné Villejean et son quartier en pyramide, du plus bas des maisons aux tours du Bourbonnais et le campus de Rennes 1 à Beaulieu.

L’architecte est une belle histoire rennaise d’autant qu’à la tête de tous ces chantiers il a pratiqué largement la délégation vers toute une génération de jeunes architectes du cru, lesquels, entre sol et plafond, conditionnent la vie d’un quart de la population de Rennes.

La cathédrale de Rouen reste son chef d’œuvre ! Rennes sa belle ouvrage !

La ville du XXIème rêve d’une suite audacieuse davantage que d’une canyonnisation boulevardière!

Gilles CERVERA

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Edito

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