Quand Art Spiegelman déclare qu’Emil Ferris est une des plus grandes artistes de bande dessinée de notre temps, cela mérite de lire l’OVNI en question. Un ouvrage novateur et inclassable qui a tout du chef d’œuvre et mérite tous les prix qui lui ont été attribués.

On met un peu de temps pour entrer dans ce premier tome de 416 pages, le second étant prévu pour l’an prochain, mais une fois lancé, on ne le lâche plus. Le fonds est indissociable de la forme et la forme renforce le fonds. Le texte appelle au dessin et le dessin au texte.

Dans les années 1960, la petite Karen vit dans un quartier pauvre de Chicago, au sous-sol d’un immeuble avec sa mère malade et son frère vaguement délinquant. Pour être libre et se protéger d’un monde rempli de monstres à l’aspect très banalement humain, Karen a choisi d’être une humaine derrière un physique de monstre.

Ce carnet d’écolière dessiné entièrement au stylo à bille recèle des planches d’une beauté rarement vue dans une BD, notamment lors de décryptages de certains tableaux célèbres, l’art s’avérant ici le seul remède à la maladie des hommes.

Allégorie de la vie de l’auteur, mais œuvre plus universelle que cela, elle dérange notre bien-pensée habituelle car nous sommes tous un peu Karen et un peu les autres, selon les circonstances. Encore plus lors de périodes de l’Histoire difficiles comme la 2nde guerre mondiale évoquée dans l’histoire.

Notre perception peut varier en fonction de notre propre histoire, de notre environnement et de ce qui précède concrètement notre lecture. Une même page doit être lue et relue afin d’en percer tous les mystères.

On peut détester si on ne regarde ou ne lit que rapidement et superficiellement. On peut détester si on lit avec attention et qu’on ne s’imagine que du côté des humains-monstres et non des monstres-humains. Mais on ne peut rester indifférent.

Alors, prenez le temps au-delà de votre premier regard et découvrez la beauté profonde et infinie derrière l’aspect difficile.

Marc PHILIPPE
« Moi, ce que j’aime, c’est les monstres » d’Emil Ferris. Editions Monsieur Toussaint Louverture

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Edito

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