Louis Bertholom et ses « amis envolés »      HermineHermineHermineHermine

A quoi reconnaît-on un poète breton ? A sa familiarité avec la mort ou, plutôt, à sa capacité à faire se rencontrer, dans ses textes, les vivants et les morts. A vous dire aussi que la mort fait partie de la vie et que les disparus continuent à nous accompagner. On le ressent profondément à la lecture des « oraisons funèbres » et des « poèmes d’adieu » de Louis Bertholom.

Il fallait le faire ! Regrouper dans un livre ces paroles frappées du sceau de l’émotion que l’on prononce à l’église ou au crématorium devant le cercueil d’un ami ou d’un membre de sa famille. Louis Bertholom l’a fait, n’hésitant pas à qualifier ses propres textes « d’oraisons funèbres ». Le terme peut paraître prétentieux (car l’on pense, bien sûr, aux oraisons de Bossuet) mais le poète nous ramène, dans ses mots simples, à l’humilité des choses et de la vie. Rien ici n’est grandiloquent. Tout transpire la complicité, la familiarité avec ces chers disparus, avec quelques petites embardées dans une trivialité ou un humour de bel aloi (histoire de détendre l’atmosphère et de prendre ses distances avec une forme de désarroi).

Louis Bertholom nous livre ainsi une quinzaine d’oraisons et de poèmes d’adieu. Il les a prononcés dans des églises de son cher pays fouesnantais, au crématorium de Quimper, au cimetière de Moëlan-sur-mer et même à la cathédrale de Quimper. La plupart de ces « amis envolés » sont des hommes et des femmes qu’il a connus dans sa propre vie d’artiste (parmi les plus connus on trouve notamment Jean Moign et Annaïg Baillard-Gwernig). Mais on trouve aussi des amis proches originaires de son pays natal, des gens modestes qui ont passé leur vie sur terre sans faire beaucoup de bruit. Et les oraisons sont là pour glorifier leurs vies.

Le poète (pourtant agnostique) ne se résout pas à concevoir une disparition pure et simple de tous ces êtres chers. « Mes amis partis, vous vivez en moi comme si vous étiez présents (…) Vous m’injectez de l’énergie vitale ». Il les imagine abordant des « rivages lumineux », « le monde blanc », le « Tir na Nog » (cette terre de jeunesse du paradis des Celtes) ou encore l’île d’Avalon où il les imagine « pour l’éternité à croquer des pommes » (celles du terroir fouesnantais, cela va sans dire).

« Que sont mes mais devenus/que j’avais de si près tenus/et tant aimés ». Les vers de Rutebeuf accompagnent les oraisons de Louis Bertholom. Il nous livre même son propre modèle de poème d’adieu, nous suggérant de nous en servir quand le deuil nous frappera. « Aujourd’hui je te dis au revoir mon ami/Il faisait de ce temps qui n’osait pas la pluie/Juste un peu de brume qui troublait nos regards/Nous tous bien alignés, silencieux et hagards ». Car ce livre est aussi un manuel aux allures de guide pratique sur l’usage de l’oraison funèbre. « L’évocation doit être simple et fluide, nous dit Louis Bertholom, et le poème doit éviter l’abscons ». Qu’il en soit ainsi.

Pierre TANGUY

A mes amis envolés, oraisons funèbres et poèmes d’adieu, Louis Bertholom, préface de Nicole Le Garrec, Collages de Sophie Denis, éditions Vivre tout simplement, 121 pages, 14 euros.

Une biographie de Louis Bertholom, réalisée par Alain Gabriel Monot, sous le titre Louis Bertholom, le poème comme un cri, vient d’être publiée par les éditions Yoran Embanner, 175 pages, 12 euros.

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