Ligne de vie HermineHermineHermine

Texte habité des bruits du vent sur la toile tendue, « Passerelle, Carnet de mer » est la dernière parution d’Erwann Rougé.

Ligne de vieNote : 3 sur 5

BLANCHE, il a peu de texte qui réveille ainsi une couleur, couleur d’absence, absence de couleur, blancheur, vide, sa proximité.  Aussi blanc que ce ciel que j’aperçois des combles de ma chambre et pourtant aussi, traversé par ce vol des oiseaux, signes déposés sur la page, sur le sable. Traces. Car le texte d’Erwann Rougé, Passerelle, Carnet de mer, est écrit sur l’écriture, sur cette entame burinée contre, contre le blanc du papier, mais aussi pour. Pour le blanc  qui vient épouser l’encre, doucement peau à peau.

VERT, comme ce tableau de François Dilasser « Métamorphoses » de 1993, un vert qui surgit sur la page et qui se décline en arbre, terre, humus, landes et mésanges. Respiration, amarrage et passage. Un port donc, Loc Meven, de ces ports d’attachement sans entrave, qui laisse passer sans retenir, qui retienne la main ouverte. Qui aime et métamorphose, la vie, la mort, le désir et l’horizon.

BLEU, peut-être, ce qui vient c’est le GRIS, gris-bleu, vert de gris, la mer, noire aussi. Passerelle.  Carnet de bord est une ligne de vie, de celle que l’on suspend à l’arrière des bateaux pour tenir. L’homme parfois est ce sillage blanc, qui s’accroche à un fil. « Ecriture : lignes d’écume pour oublier, aller vers soi. Pour arriver à en rire. »

Erwann Rougé est un marin, « étonnant voyageur », accompagné de solitude, rêvant de l’ancre et de l’encre dont il a aussi fait  un métier.  Toujours l’homme accompli, cherchant son accomplissement  se débats dans ses mers faites d’absence et de présence aux autres, d’effacement et d’inscriptions, cherchant un lieu dans l’écriture et dans le lien. Liant les mots, les vents, traçant une route sur l’infini. Mouvement et statique, II est ce funambule, Henry’s touchant le vide, porté par lui, un autre fil suspendu dans les airs, Tenir sur un fil c’est à la fois du mouvement et de l’arrêt, les deux intimement mêlés. Equilibristes de la douceur.

Passerelle. Carnet de bord est un texte très doux, un texte habité des bruits du vent sur la toile tendue, du clapotis des vagues sur le flanc du bateau, des crissements de la coque parfois malmenée et puis des bruits des corps qui se parlent amoureux, des portes qui s’ouvrent et qui se ferment dans la maison : L’absence et le vide sont des mouches mortes sur le rebord du mur. De la fenêtre, j’entends tes gestes, tes pas qui résonnent dans l’appartement. »

Chaque page que je tourne, est une rencontre, c’est à cette vague marine que je vous invite.
Dans les marges, écrire. Dans les marges, il y a mille bruits, ombres, salives. Les mots ont le bleu de haute mer, dangereusement trop. Impitoyables, ils cherchent le dedans, le dehors qui leur ressemblent pour « épauler la lame ».

Laurence NADAL ARZEL

Erwann Rougé est né en 1954 à Rennes, il est poète est également éditeur. Il a fondé les éditions Dana et Approches Editions.
« Passerelle, Carnet de mer » par Erwann Rougé aux éditions L’Armourier

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