Dans son nouveau livre, Roger Faligot nous invite à découvrir le patrimoine olfactif de la Bretagne. Campagne… Ville… Terre… Mer… Les souvenirs ont une odeur.  Découvrons-les ensemble.

Après le toucher, l’odorat est le sens le plus développé chez l’homme, et celui dont la mémoire conserve le plus long souvenir. Notre nez perçoit jusqu’à mille milliards d’odeurs différentes ; nous n’en mémorisons toutefois qu’un millier et celles associées à l’enfance nourrissent de surprenantes réminiscences capables de subsister toute la vie. Au reste, l’odorat est essentiel pour notre équilibre. A tel point qu’une anosmie (perte d’odorat) entraîne un certain nombre de handicaps, comme la diminution du plaisir de manger, des risques accrus d’accidents domestiques et d’intoxications alimentaires, etc.

Des odeurs chargées de désir et de plaisir

Roger Faligot explique ô merveille ! l’histoire du patrimoine olfactif breton avec moult exemples dont nous avions oublié jusqu’à l’existence. Ainsi redécouvre-t-on les parfums d’ajoncs et ceux des oursins…  L’iode des huîtres fraîches et le sucre fruité des fraises de Plougastel… L’odeur de l’aubépine et celle, plus amère, des genets… Mais aussi les âcres relents de la sueur des laboureurs… Sans oublier les pommes, le pommé et le cidre… Les sardines frites et la violette musquée… Les parfums extrêmement forts de goémons qui, en bord de mer, se conjuguent souvent aux émanations chaudes des foins… La riche odeur du garum ( « jus » ou « sauce » en latin) un condiment fabriqué à partir de chair ou viscères de poissons, voire d’huîtres, ayant fermenté dans le sel afin d’éviter tout pourrissement ; il entrait autrefois dans la composition de nombreux plats, notamment à cause de son fort goût salé. Qui se souvient du garum hélas ! remplacé par la nuoc-mâm vietnamienne ?

L’un des plus grands parfumeurs au monde est Breton

Il y a aussi dans Les odeurs de ma Bretagne le gracieux hommage rendu par Roger Faligot à Jean Kerléo. Né en 1932 à Berven en Guiclan (entre Landivisiau et Morlaix) Jean Kerléo et l’un des plus grands parfumeurs au monde. Après avoir travaillé pour Helena Rubinstein, il fut couronné du Grand prix des parfumeurs en 1965, année où il entra au service de la maison Jean Patou pour la création des parfums. Il restera son nez pendant trois décennies. Nous lui devons des merveilles : « 1000 », en 1972… Patou pour homme, en 1980… Sublime, en 1992… Jean Kerléo est, au reste, le créateur de la désormais célèbre Osmothèque inaugurée à Versailles en 1990 ; un Conservatoire international des Parfums ayant pour vocation d’entretenir la mémoire des anciennes fragrances, de retrouver leur formule, de les recréer et de les sauvegarder pour les générations futures. Un lieu unique au monde renfermant 1.500 parfums dont un tiers ne sont plus produits. Jean Kerléo en fut le président jusqu’en 2008.

Une histoire merveilleusement bien sentie

Roger Faligot nous rappelle que l’olfaction est le plus primitif de nos sens. Il renvoie à un signal binaire, c’est à dire : oui ou non… ça va ou ça ne va pas… ça attire ou ça repousse. L’odorat n’appelle pas la conscience mais convoque le subconscient : impossible de se remémorer le souvenir d’une odeur, il suffit en revanche de la sentir pour voyager dans le temps.  Le dégoût d’une effluve n’est pas biologiquement programmé, il varie selon l’âge, la culture et l’époque. Tout cela et bien d’autres merveilles sont à découvrir dans Les odeurs de ma Bretagne. Un livre en odorama qui vous dilate les narines. C’est brillant. Voluptueux. Désirable. Une histoire merveilleusement bien sentie. A lire contre toute attente.

Jérôme ENEZ-VRIAD
© Juillet 2022 – J.E.-V. & Bretagne Actuelle

Les odeurs de ma Bretagne, L’histoire d’un patrimoine olfactif signé Roger Faligot aux éditions GéOrama – 243 pages avec illustrations N&B – 14.00 €

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