Les témoignages sur la Résistance en Bretagne ne manquent pas. Sur ce sujet, il faut signaler la qualité du témoignage du Finistérien Jean Le Corre (1921-2016) relatée dans un livre publié par l’association Arkae implantée à Ergue-Gabéric près de Quimper. C’est toute une génération – celle qui avait 19 ou 20 ans au début de la Guerre – que l’on retrouve ici, évoquée dans son engagement dans la Résistance, avec tous les risques qu’il s’ensuit.

Décidément la commune cornouaillaise d’Ergué-Gabéric n’en finit pas d’apporter sa pierre à la connaissance de l’histoire des Bretons, en particulier ceux issus du monde rural. Rappelons le travail d’élucidation de l’association locale Arkae autour des Mémoires d’un paysan  bas-breton, document social et humain majeur sur la vie rurale au XIXe siècle. C’est l’histoire de Jean-Marie Déguinet, ouvrier agricole, issu d’une famille pauvre installée à Ergue-Gabéric, soldat à Lorient, engagé dans les guerres de Crimée et d’Italie du Second Empire. Enorme succès de librairie qui valut même une publication grand public, en livre de poche (Pocket), en 2001.

Notre attention est aujourd’hui attirée par une autre période de l’histoire, celle la Résistance, autour de la figure du Gabéricois Jean Le Corre. Il a 19 ans quand il s’engage en 1940 dans la Résistance. Excellent footballeur du patronage local (Les Paotred Dispount), il a été recruté par le grand Stade Quimpérois de l’époque. C’est un jeune homme sans histoire. Mais le 11 novembre 1940 on le voit, en compagnie d’amis résistants, apposer un texte de Victor Hugo (« Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie… »)  sur le tableau d’affichage de la mairie  d’Ergué-Gabéric, malgré la désapprobation du maire de l’époque (un certain Pierre Tanguy).

Le cambriolage du STO

Son poste de travail à la direction des Services agricoles de Quimper lui permet de glaner des renseignements sur l’occupant allemand et de les transmettre aux mouvements de la Résistance. Sous couverture de son emploi, il peut en outre bénéficier d’un Ausweiss permanent. A partir de février 1943, c’est l’incitation à refuser la réquisition au STO qui le mobiliste, avec en point d’orgue, en janvier 1944, sa participation au cambriolage du Service du Travail Obligatoire à Quimper. Trois jours plus tard, Jean Le Corre est arrêté par la Gestapo. Et transféré à la prison Saint-Charles de Quimper puis à la prison Mezgloaguen.

C’est ensuite le départ pour Rennes et Compiègne et, enfin le camp de base de Neuengamme (où il arrive le 31 juillet 1944) à 25 km au sud de Hambourg, implanté dans une briquetterie-tuilerie expropriée à des Juifs et qui était équipée d’une chambre à gaz. « Le dernier travail auquel j’ai participé à Neuengamme, raconte Jean Le Corre, était celui du Kommando désigné pour vider les fours crématoires. Il y avait une équipe qui enfournait les cadavres et une autre, dont je faisais partie, qui vidait les cendres et autres restes ». Jean Le Corre sera ensuite transféré à Buchenwald où il séjournera en mars et avril 1945. « Où étions-nous tombés ? On nous ôta nos vêtements, sauf la chemise, et on inscrivit notre numéro en grand, à l’encre de Chine je crois, sur la poitrine. Sans doute pensait-il que cela tiendrait de toute façon jusqu’à notre mort ».

Le témoignage de ce résistant et déporté breton mérite toute notre attention. Il est d’abord passionnant de bout en bout. Il révèle, en outre, une personnalité empreinte d’un profond humanisme en dépit de toutes les raisons de haïr ou de désespérer. Il faut aussi lire ce livre parce qu’il s’accompagne d’une mine de documents d’archives, de photographies, de lettres… rassemblés par les soins de Marilyn Cotten, documentariste de Arkae. Deux années de collecte aussi bien en France qu’en Allemagne pour aboutir à cet ouvrage sur la mémoire collective et qui apporte une pierre de plus à notre connaissance de l’histoire du peuple breton.

Pierre TANGUY

Jean Le Corre, résistant et déporté, Cahiers de Cornouaille, Arkae, Cahiers de Cornouaille n°2, 155 pages, 10 euros
Arkae, 3, rue de Kerdevot, 29500 Ergué-Gabéric,
Mail : [email protected]
Tél. : 02 98 66 65 99

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