Le royaume de Bretagne devient duché en 937. Alain II « Barbetorte » porte la couronne du premier duc lorsqu'il refuse de prendre celle du roi précédent, initiant ainsi la dynastie de la maison de Nantes…

Au milieu du Xème siècle, la Bretagne connaît une politique mouvementée. Derrière la frontière Est : les Francs… Par-delà la Manche : les Anglais… De l’intérieur : les comtes de Rennes, Nantes, Cornouaille, Penthièvre, Léon, Porhoët, s’affrontement entre eux et affaiblissent le royaume convoité par ses puissants voisins. Les successeurs d’Alain II, mort en 952, ne conservent le pouvoir qu’avec l’appui des comtes d’Anjou, avant de le céder en 990 à la maison de Rennes. Conan Ier devient duc.

Le premier texte législatif breton est signé en 1185

A son tour, la maison de Rennes laisse place à celle de Cornouaille lors du couronnement de Hoël II en 1066. Son autorité est toutefois remise en cause par la puissance de certains seigneurs déployant mille ruses d’alcôve nécessiteuses d’une longue patience. Un siècle plus tard, en 1166, Conan IV de Bretagne (dit « le Petit ») abdique en faveur de sa fille Constance promise à Geoffroi Plantagenêt, fils de Henri II d’Angleterre qui devient régent du duché ; Geoffroi, quant à lui, accède au trône en tant qu’époux de la duchesse, initiant la dynastie des Plantagenêt.

Dès lors, la couronne d’Angleterre « tient » la Bretagne jusqu’en 1202, date à laquelle Philippe Auguste, roi de France, confisque les terres continentale du nouveau monarque anglais, d’où son surnom :  Jean « sans Terre ». Cette période caractérisée par moult turbulences politiques, engage une nouvelle définition du pouvoir ducale et, à l’instigation des Plantagenêt, un organigramme administratif se met en place : dorénavant, les gestions judiciaires et financières du duché seront confiées à huit sénéchaux soucieux des prépondérances locales. Geoffroi appose son paraphe sur le premier texte législatif breton en 1185.

De la prospérité à la guerre

Mariages arrangés entre futurs époux encore enfants… Décès prématurés de certains duc et/ou de leurs héritiers… Application de la loi salique et de la primogéniture masculine…  la transmission du trône n’est pas simple. Ainsi, le mariage de la duchesse Alix de Thouars avec le prince Pierre de Dreux initie l’avènement des capétiens bretons.  Pierre de Dreux (dit  « Mauclerc » en raison de ses différents avec le clergé), devient homme lige de Philippe Auguste avant de se rapprocher de la couronne d’Angleterre. Il participe ensuite aux révoltes des grands féodaux sous le règne de Louis VIII ; puis, le couronnement de Louis IX le contraint de nouveau à la soumission française. Ses successeurs :  les duc Jean Ier « le Roux »,  Jean II, Arthur II, et Jean III « le Bon », poursuivent l’œuvre entamée par Geoffroi, en améliorant l’organisation administrative du duché.

Entre 1217 (couronnement de Jean Ier)  et 1341 (fin du règne de Jean III), soit un peu plus d’un siècle, le duché élargit ses domaines féodaux. Des octrois rémunérateurs aux l’entrées des principales agglomérations rapportent l’argent nécessaire pour fortifier les grandes villes et construire d’importants châteaux qui, associés à une politique étrangère de pacification, affirment la puissance bretonne face aux Français et aux Anglais. Du XIIIème siècle au milieu du XIVème, la Bretagne vie sous le signe d’une prospérité amorçant un commerce maritime florissant, une extension du domaine agricole, et l’apparition d’une bourgeoisie urbaine. Abondance hélas ! bientôt remise en cause par de nouvelles guerres.

La Guerre de Succession

Une douloureuse guerre de succession éclate en 1341, lorsque le duc Jean III meurt sans héritier direct. La revendication du trône par deux hoirs attise l’ancestrale rivalité franco-anglaise. Philipe VI,  roi de France, soutient la candidature de Jeanne de Penthièvre, épouse de son neveu Charles de Blois et nièce de Jean III ; tandis que Jean de Montfort, demi-frère de Jean III, s’allie aux Anglais. Les deux se mèneront une lutte d’opposition acharnée jusqu’au décès de Montfort en 1345. Le traité de Guérande (1365) mettra fin à ce que, plus tard, les historiens appelleront la Guerre de Succession de Bretagne.

Pour autant, les combats n’en finissent pas. L’héritier Montfort, Jean (encore un !), assiège Auray en septembre 1364. C’est toutefois son frère qui prendra le trône en 1365 sous le titre de Jean IV « le Conquéreur ». À partir de 1369, la guerre reprend entre la France et l’Angleterre à la (dé)faveur d’une nouvelle crise. Jean IV laisse ses sujets libres de rejoindre l’armée française tandis que lui-même s’allie aux Anglais. Il est bientôt contraint à l’exil face à l’avancée d’un contingent français commandé par Bertrand du Guesclin. Le roi de France confisque alors le duché. Les Bretons se révoltent aussitôt. Hors de question de subir la tutelle française davantage que l’anglaise ! Jean IV est rappelé et le traité de Guérande réaffirmé en 1385.

L’âge d’or de la neutralité

Le règne de Jean IV est marqué par la mise en place d’une fiscalité directe. Elle renforce le pouvoir ducal en interdisant la levée de l’impôt par les seigneurs. Son fils, Jean V « le Sage », accède au trône en 1399 pour un règne d’un demi-siècle, véritable âge d’or breton construit sur une politique de neutralité affirmant l’indépendance du duché ; en résulte une période propice à l’instauration d’une structure gouvernementale digne d’un État souverain. La politique bretonne s’appuie désormais sur trois organes : le Conseil, la Chambre des comptes, et le Parlement général. Le duché frappe alors sa propre monnaie et, grâce aux impôts levés, Jean V crée les premières soldes militaires.

L’autonomie bretonne se concrétise également par l’envoi d’ambassadeurs dans les capitales étrangères, notamment en Espagne, au Portugal, et en Italie. Autour du duc se développe une cour nombreuse, avec une étiquette est un art qui n’ont rien à envier aux autres royaumes. C’est d’ailleurs à partir du XVème siècle que la littérature bretonne prend forme : Pierre Le Baud, Alain Bouchart… [Les passionnés pourront lire à ce propos le merveilleux essai de Loeiz Herrieu sur La Littérature Bretonne – Éditions « Dihunamb » Hennebont 1943] ; les écrits s’accroissent au long des trois règnes suivants  :  celui des ducs François Ier (fils ainé de Jean V), de Pierre II (son cadet), et d’Arthur III (son petit-fils), chacun apporte une pierre à l’édifice littéraire dans un État breton désormais indépendant malgré le conflit franco-anglais qui s’éternise aux frontières.

De la reprise de la guerre à l’avènement d’Anne de Bretagne

Après la guerre de Cent Ans qui opposa, de 1337 à 1453, la dynastie des Plantagenêt à celle des Valois et, par là-même, le royaume d’Angleterre à celui de France, l’évolution politique franco-anglaise place le duc François II (héritier d’Arthur III) dans une position délicate. Tandis que l’Angleterre sombre dans la guerre civile, Louis XI, roi de France depuis en 1461, entend soumettre son vassal breton. Ne pouvant plus jouer de la rivalité avec ses puissants voisins, François II, aidé de son fidèle conseiller Pierre landais, décide la fortification de places essentielles à l’Est : Moncontour, Dol-de-Bretagne, Hennebont…, et renforce son armée, anticipant les hostilités à venir.

Les conflits reprennent en 1465. Une vingtaine d’années passe. Louis XI cède la place à Charles VIII sous la régence drastique de sa sœur, Anne de Beaujeu, qui envoie une armée de 15.000 soldats pour en découdre avec la Bretagne. L’affrontement se déroule à Saint-Aubin du Cormier. Les Bretons en déroute perdent plus de 5.000 hommes. Le traité signé à la suite de la défaite sera lourd de conséquences. Certes, la Bretagne reste indépendante, mais le duc s’engage à demander l’accord du roi de France pour marier ses filles – Traité du Verger ratifié en 1488. François II s’éteint peu après, laissant à sa fille Anne, elle n’a alors que 12 ans, le trône d’un duché fort convoité.

Anne de Bretagne devient cheval de Troie par épousailles

Anne est couronnée en 1489 À Nantes. Son autorité est remise en cause par la dissidence de certains nobles, d’autant que le roi de France s’agace d’impatience aux frontières ; de guerre lasse (c’est le cas de le dire !), afin de préserver l’indépendance d’un duché en péril, la jeune femme épouse le futur empereur du Saint-Empire, Maximilien Ier de Habsbourg, qui la prend sous sa protection. Coup d’épée dans l’eau ! L’annonce des épousailles provoque une nouvelle invasion française, et Charles VIII les annule en s’appuyant sur le traité du Verger.

Face aux ravages de la guerre et à leurs conséquences, Anne se résout à épouser Charles VIII en 1491 ; mais, sitôt la mort de ce dernier, une troisième noce la fait se marier à Louis d’Orléans, bientôt couronné roi de France sous le titre de Louis XII. Le règne d’Anne est marqué par un net redressement économique qui, allié à son tempérament et à l’attention qu’elle porte à ses sujets, lui confère une popularité qui perdure encore aujourd’hui. Ce sera par le mariage de sa fille Claude avec François d’Angoulême, futur François Ier, que le destin de la Bretagne se verra définitivement scellé à celui de la France. Le duché, offert en dote à son royal époux, finira dans la corbeille du dauphin de France et, en 1532, l’acte d’union de la Bretagne avec la France est signé.

Suite et fin dans la troisième partie : La région de Bretagne

Première partie : Le royaume de Bretagne

Jérôme ENEZ-VRIAD
© Février 2021 – J.E.-V. & Bretagne Actuelle

Illustration :
Le 6 décembre 1491, la duchesse Anne épouse Charles VIII de France.
(Détail du vitrail de Charles Champigneulle – 1885, mairie de Vannes)

 

0 Commentaires

Laisser un commentaire

Abonnez-vous à notre newsletter

Edito

Articles similaires

Autres articles de la catégorie Ar Mag