Françoise Bourdin, des histoires bretonnes qui nous ressemblent HermineHermineHermineHermine

On ne la voit jamais à la télévision…On l’entend peu à la radio… Elle accorde quelque rares interviews à la presse … Et pourtant ! Françoise Bourdin est l’un des auteurs les plus vendus et les plus lus. Ses histoires nous ressemblent, et certaines ont l’avantage d’avoir la Bretagne pour décor.

Si l’on s’amusait à cumuler les succès des lauréats des plus prestigieuses récompenses littéraires françaises de ces dix dernières années, les ventes de Françoise Bourdin à elles seules dépasseraient l’ensemble de la somme obtenue. De quoi agacer les coteries littéraires germanopratines qui se plaisent à répandre leurs goûts et leurs dégoûts à travers des chroniques plus souvent assassines que bienveillantes. Car les chiffres éditoriaux de Françoise Bourdin ont effectivement de quoi être jalousés : plus de seize millions de livres vendus depuis la parution du premier en 1972. Les raisons d’un tel succès sont multiples. A commencer par un véritable travail d’auteur, mais pas seulement, le tour de force de Françoise Bourdin est d’avoir réussi la triple alliance de l’intelligence, de la simplicité et de la bienveillance ; une victoire discrète dont ses lecteurs se prévalent d’être les dépositaires à travers des romans dans lesquels ils se reconnaissent mieux que s’ils les avaient écrits eux-mêmes.

Le public a toujours raison

Françoise Bourdin ne relève pas d’une étoile filante littéraire, mais bel et bien d’une galaxie éditoriale à elle seule. Ses romans sont simples sans pour autant être élémentaires ; simples au sens propre du terme : humbles et naturels. Ils ressemblent à la vie… à la famille… à nos amours… on passe d’agréables moments à les lire au rythmes de péripéties qui s’enchaînent avec une aisance nourrie de personnages intenses et attachants. S’en dégage un phénomène d’addiction au point de ne plus pouvoir abandonner le livre une fois commencé. Outre une histoire toujours extrêmement bien construite, notons l’extrême fluidité de son style sans aucune boursouflure : rien n’est jamais ronflant ni pompeux ; s’y ajoute la maîtrise impeccable d’un français académique ; sans oublier l’empathie que peu d’auteurs ont pour leurs protagonistes, ainsi que l’absence totale de vulgarité là où certains aiment à toucher de leur plume une modernité obscène, de collusion médiocre avec l’air du temps.

Des histoires qui nous ressemblent

Françoise Bourdin convoque le lecteur là où il est indispensable de le faire. Aucun artifice ni mystère inutile. Pas de narratif clinquant pour attirer les infatués de la prose. Sans doute (c’est à dire certainement) est-ce la raison pour laquelle Le monde, Libé, Les Inrocks, Télérama et consorts ne lui ont jamais consacré une seule ligne. C’est néanmoins oublier quelques prises de risque dont Dame Bourdin nous réserve parfois la surprise. Par exemple dans Objet de toutes les convoitises (2003 – Belfond), où, sur fond d’aristocratie britannique et de hiérarchies professionnelles, elle décrit l’attirance d’un homme pour un autre homme d’une classe sociale inférieure. Le propos n’est en fait pas l’homosexualité, mais le prisme socio-culturelle dans lequel évoluent les personnages. Une fois encore, bon ton et maîtrise des émotions habitent l’histoire.

Françoise Bourdin s’est emparée d’un sujet inépuisable : la famille. Elle l’utilise comme un microcosme sociétal alimenté de ses propres secrets, de ses rivalités, de moult jalousies, quantité de passions et de rancœurs universelles. Chacun de ses personnages se confronte à l’existence, vaille que vaille jusqu’à la fin de l’histoire qui, en général, finit bien ; nous sommes, en ce sens, davantage proche de Claude Lelouch que de Jacques Demy. C’est le cas dans ses trois romans bretons : Rendez-vous à Kerlo’ch (2006), sis au cœur des terres morbihannaises ; Les sirènes de Saint-Malo (2012) traitant du sauvetage d’une entreprise familiale et locale ; quant au plus récent, La promesse de l’océan (2015), il nous fait découvrir le labeur quotidien des marins-pêcheurs de la baie de Saint-Brieuc.

Une intimité partagée

Acheter régulièrement les livres d’un auteur signifie avoir envie d’en savoir plus et découvrir leurs secrets de fabrication. Avec Des histoires qui nous ressemblent, Françoise Bourdin invite ses lecteurs à partager son parcours depuis la naissance de l’écriture jusqu’au succès. Une fois encore, il y est question de la vie tenue pour formidable si l’on prend le temps de la regarder sans détourner le regard vers l’inutile. L’incroyable pulsion de « possible » que l’on retrouve dans ses romans est ici ressentie à travers la romancière. L’écriture d’un livre s’amorce toujours sur le principe du big-bang, puis, petit à petit, l’auteur démontre que tout cela n’est pas innocent. Que tout cela a un sens. Françoise Bourdin nous l’explique dans Des histoires qui nous ressemblent.

Jérôme ENEZ-VRIAD
© Décembre 2022 – Bretagne Actuelle & J.E.-V.

Françoise Bourdin, des histoires qui nous ressemblent (essai). Coédition Le Robert/Plon, 176 pages illustrées N&B – 14,90€

Les autres livres de Françoise Bourdin sont édités chez Belfond, et en poche chez Pocket. Françoise Bourdin, le site.

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