A l’aune de ses 43 ans, Da Silva présente son 7ème album à venir pour le 25 octobre 2019. Nous l’avons rencontré à l’occasion d’une session acoustique devant une vingtaine de fans. Apaisé et accessible, l’artiste parait tout simplement heureux. Ce que reflète son dernier disque avec des accents ensoleillés reposant sur des rythmes latins et des instruments exotiques. Le temps du bonheur serait-il enfin arrivé ?

Comment l’ancien punk de Nevers est arrivé à Rennes ?
En passant par Cherbourg ! J’étais d’abord parti à Charleville-Mézières visiter le musée d’Arthur Rimbaud, pour filer sur Cherbourg, but de mon voyage. Et c’est en redescendant en voiture que je me suis arrêté à Rennes. J’ai trouvé la ville absolument magnifique et j’y suis resté 2 jours, 3 jours, une semaine pour enfin m’installer définitivement. C’est une rencontre. Je suis musicien, j’ai visité pas mal de ville en France et à l’étranger, et bien, c’est la seule ville où je me suis dit : là, je suis bien !

Une lumière ? Une résonnance ?
C’est un esprit, vous entrez dans une ville et vous savez que vous pouvez l’épouser. Je ne peux pas l’expliquer, c’est irrationnel… Ceci dit, Rennes est une ville à taille humaine et bien pensée avec ses deux pôles ; Rennes Nord et Rennes Sud de l’autre côté de la Poste qui coupe le centre ville en deux. Ce ne sont pas des grandes avenues à ciel ouvert comme on peut en trouver à Nantes avec d’immenses bâtiments. Le centre ville de Rennes est un grand village médiéval qui sollicite beaucoup mon imagination. Et puis les parcs sont vraiment nombreux et bien aménagés que ce soit Oberthur, le Thabor ou les Gayeulles.

L’anonymat d’une capitale est primordial pour vous ?
A Rennes, la notion d’anonymat n’existe pas vraiment. Je connais les commerçants, les voisins, etc. Et c’est ce que je recherche : j’aime rencontrer les gens, croiser un ami à la terrasse d’un café et discuter avec lui sans s’envoyer un texto. Rennes est à taille humaine… Et idéalement placée : que ce soit vers la Bretagne Nord ou la Bretagne Sud, on est à 50 minutes de la mer.

Si la Bretagne n’a pas été le critère déterminant pour vous installer à Rennes, est-ce qu’elle est devenue l’élément essentiel pour lui rester fidèle ?
En 2008, quand je répondais à cette question pour Bretagne Actuelle, je ne prenais pas la mesure de la région, alors que ça faisait déjà 10 ans que j’y vivais entre Brest, Dinan et Rennes. Mais je ne mesurais pas l’énergie de cette région et ses secrets. Au-delà des côtes et de la mer, la magie s’opère aussi dans les terres qui désormais partagent un bout d’histoire de ma vie. J’aime définitivement la Bretagne depuis 10 ans. Je ne pourrais vivre dans aucune autre région du monde.

Vous êtes donc devenu breton !
Je ne sais pas, car on ne se fait pas adopter comme ça en Bretagne. Mais je me sens breton. Mon histoire, celle de mes amis se passent ici. C’est aussi une terre très fertile pour la création.

Et dans ces actes créatifs, il y a votre septième album. Quelle est cette voix qui introduit le disque et accompagne le dernier morceau ?
La première c’est un enfant suisse trouvé sur un reportage de l’Ina qui explique qu’il veut vivre son aventure. A la fin, c’est la voix de ma fille qui dit « Je ne sais plus ce que je dois dire ». On a trouvé ça marrant et on l’a gardé.

Un album volontairement optimiste alors !
Sur mes 6 précédents albums, j’ai souvent exploité les mêmes terrains, les mêmes sujets qui plus est avec les mêmes harmonies. Cette fois ci, j’ai fait quelque chose de solaire. Je suis arrivé à une forme un peu plus brut, que j’avais perdu en faisant des albums orchestrés. On est retourné aux origines de mes premières productions. J’ai aussi utilisé des instruments orientaux comme le oud ou plus inattendus comme le banjo. Au final, pas mal d’instruments exotiques car je voulais que ce soit un album métissé et épicé.

Le premier titre de votre album « Loin » appel à la désobéissance…
Le titre est un peu en réaction à l’époque actuelle. Je trouve qu’il n’existe plus que des slogans qui hurlent. Même dans l’art contemporain, les tableaux font 4 mètres sur 5, personne ne peut les mettre au mur ! Bref, il faut que tout soit grand, produit en grande quantité… Tout doit aller vite… On nous crie dessus en permanence. Beaucoup moins en Bretagne ceci-dit ! Ce qui ne m’empêche pas de penser que notre époque est foutue et usée. Il faut aller moins vite, désobéir, pas forcément écouter ce qu’on nous raconte. « Eux », ont besoin de cette économie. Mais quand je regarde la nature, je me demande ce que l’on est en train de fabriquer. On a déjà de quoi être heureux. Cette chanson « Loin » est venue de ce constat : arrêtez de vouloir tout contrôler pour nous faire consommer jusqu’à plus soif et de tout interdire. On interdit même aux pizzaiolos d’utiliser un feu de bois !

« Loin » est une chanson engagée ?
Oui, C’est important d’avoir des moments de reculs et de réfléchir à ce qui nous fait vraiment vibrer ! Moi, ce qui m’inquiète c’est que dans certaines campagnes plus de 60% des oiseaux aient disparu. Mais attention, « désobéir », ce n’est pas être contre tout. C’est juste prendre conscience de ce qu’on nous raconte. Par contre, je suis très optimiste. Ma fille va ramasser des mégots à la plage, comme si c’était naturel de prendre soin de la planète.

Vous êtes un engagé optimiste…
Oui, cet album est beaucoup moins noir. J’ai 43 ans, j’ai sorti 7 albums… Mais surtout, je l’ai écrit à l’époque où mon ami Raphaël Chevalier est décédé. C’était mon violoniste, il habitait Bécherel et  faisait beaucoup de musique Trad. Il m’a accompagné pendant 8 ans. J’étais très mal. Cet album est né en réaction comme une folle envie de vivre et surtout de bien vivre. De prendre le temps.

Et le fait d’écrire pour les enfants a joué un rôle dans cet optimisme retrouvé ?
C’est tout à fait différent. Ce que j’écris pour les enfants c’est de la fantaisie. L’imagination des enfants est encore intacte. Elle n’a pas de limite. Tout est possible tout de suite, tout peut se transformer, exister, cohabiter : je suis un grand fan de Tomi Ungerer !

C’est donc l’adulte qui parle sur cet album ?
Moi je ne suis toujours pas un adulte (rire). Même si j’ai pris conscience de beaucoup de choses. En tout cas, j’ai espoir en la jeunesse. La lumière de cet album vient d’une renaissance. Le fait d’avoir été par terre et de me dire : « cette fois la vie vaut la peine d’être vécue ». J’ai envie d’envoyer ce message. Mais pas n’importe comment. Avec plus de légèreté et moins de performance comme dogme absolu. On a compris que l’homme pouvait produire de façon excessive. Maintenant, il est temps de passer à quelque chose de raisonnable et de résonné. Et revenir au local : manger le poulet d’à côté plutôt que celui qui vient de Chine.

Si l’avenir est au local, est-ce que la Bretagne vs la France n’est pas la bonne échelle politique ?
Je suis européen. Ensuite je suis pour plus d’autonomie pour toutes les régions. C’est comme ça qu’on pourra s’en sortir. C’est également vrai pour les villes. Quand les régions agiront de façon indépendante, on aura une France cohérente. Notre pays est trop grand.

Vous êtes un artiste engagé dans la vie de votre cité ?
Je vote, je m’engage et je suis très fier de participer à la vie citoyenne. Et je suis très fier de le dire : Nathalie Appéré (Mairesse de Rennes, ndlr) fait de très belles choses pour la ville.

Dans le titre « Le garçon », il est toujours de bonne humeur. Vous aussi ?
Oui, j’ai cette constance. Je me lève de bonne humeur.

Propos recueillis par Hervé Devallan
« Au revoir chagrin » sortira le 25 octobre chez At(h)ome
Prochain livre pour les enfants : « Le petit nuage » chez Acte Sud. Il parle du dérèglement climatique…

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