Ronan Manuel est un habitué de Radio Rennes sur laquelle il anime les émissions Bon Vieux Temps et Dessine-moi un Breton. A la fois homme des ondes et homme de plume, il vient de publier Au Contoir du Presbytère, un livre de calembredaines dans lequel le diable ne se dégonfle jamais.

Au contoir du presbytère. Diantre ! Rien que le titre invite à la poésie avant même de feuilleter les premières pages.  Car ce Contoir sans « p » – néologiste proche de la licence d’auteur – invite à pénétrer dans un lieu où l’on conte de belles histoires dissimulées par une magnifique première de couverture. Il convient d’ailleurs d’en observer l’illustration, celle du clocher de Trébabu (29), par le peintre finistérien Jim Eugène Sévellec, au-dessous de laquelle apparaît le nom BonVieuxTemps, nouvelle maison d’éditions consacrée à la littérature et à la culture des terroirs bretons… et d’ailleurs.

Un gros risque pour ce nouvel éditeur régional, car rien n’est plus original de nos jours – voire hétérodoxe – que le genre du conte et de la nouvelle, fort éloigné de celui du sacro-saint roman loué par les grandes maisons d’éditions parisiennes. Certes. Il existe de nombreuses collections « Terroir » dirigée par des éditeurs germanopratins qui font signer leurs contrats à la Closerie des Lilas, mais… comment dire ?…  ces faiseurs en Berlutti effrayés par le chant du coq, font penser aux restaurants qui vous servent du réchauffé sous-vide sur des nappes à carreaux rouges et blancs. Alors ! Ronan Manuel est-il devenu fou, ou mène-t-il une aventure en miroir du monde actuel, par la redécouverte d’une ruralité instinctive, façon missionnaire champêtre dans le monde quasi impénétrable de l’édition ?

Son livre poursuit l’inventaire de la civilisation qu’il aime :  celle des communautés dont les témoignages relèvent de merveilleuses calembredaines. Quel mot magique et truculent, si rarement employé qu’il figure à peine dans les dictionnaires ! Ce sont des fariboles les calembredaines, des bêtises, de l’anodin un peu trompeur sous forme de propos extravagants, farceurs et déraisonnables ; presque toujours employées au pluriel parce que les joueurs de calembredaines se contentent rarement d’une seule. Ronan Manuel compose ses nouvelles comme autant de partitions écrites d’après une littérature orale si présente dans culture bretonne.

Si un grand livre se reconnaît à la puissance de son irradiation – c’est à dire à ce qu’après sa lecture on ne se sent plus le même qu’avant – alors, Ronan Manuel vient d’inaugurer chez BonVieuxTemps une série d’œuvres plus proches de celles de Flaubert et de Zola que des livres de certains auteurs contemporains à succès. Il y a de la légende dans ses textes, dont le meilleur auxiliaire semble être un naturalisme satirique, aux couleurs du soufre et de la nuit, du sang et de la boue.

À vrai dire, les contes sont toujours moins intéressants que leur conteur. Ou plutôt ! le conteur doit faire partie intégrante du conte : il est l’axis-mutatis de l’histoire. C’est pourquoi Ronan Manuel figure dans celles qu’il raconte, avant d’en être aussi une partie indissociable au point de souhaiter entendre sa voix narrer ce que nous sommes en train de lire. Au contoir du presbytère demeurera parmi les livres essentiels de cette fin d’année 2021. Prenons-en le pari. Mais avant, lisez-le.

Jérôme ENEZ-VRIAD
© Septembre 2021 – J.E.-V. & Bretagne Actuelle

Au contoir du presbytèren – Un livre de Ronan Manuel – Illustration de Ronan-Jim Sévellec – Éditions BonVieuxTemps

(Le livre est à commander à l’ordre de « BonVieuxTemps Edts » (15 euros – frais de port inclus) à BonVieuxTemps éditions – 7 La Blanchère – 35240 Retiers. Il sera disponible en librairie, Bretagne seulement, à 12 euros dans le courant du mois d’octobre 2021 — Facebook : BonVieuxTemps

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