Rennes perd un Républicain.
La peinture perd un peintre. L’Espagne un témoin et le tango perd le pire : un déhanchement.
Mariano Otero a fait la valise. Voyage vers une République de la muerte et tout ceux qui avaient l’habitude de le retrouver, gabardine en été et béret enfoncé sur la tête, une figure nous quitte et fout son camp, la rue Malagutti est en deuil.
Les expos de Mariano Otero se succédaient entre Dinard et Rennes. Les portraits s’accumulaient, une patte au bout de ses doigts et si ce peintre né au classique, donc néoclassique, était bon, c’est que quelque chose a résisté. Quelque chose insistait, de net, de volontaire, d’un compromis impossible. Otero faisait du Otero. Revoyons le beau documentaire d’Antoine Tracou et son portrait en train de se faire : l’art de l’autre où se croisent les pinceaux de Mariano et de son congénère Jean-Pierre Le Bozec. Voyons ses autoportraits que la dérision et l’insistance du trait caractérisent. Il est resté loyal à son Atelier des Trois avec Clotilde Vautier, destinée tragique, son frère Antonio et, en deçà autant qu’au-delà, à son père Antonio Otero Seco. Celui par qui tous les rennais de gauche, les communistes, les Rennesdeuistes sont devenus ce qu’ils sont restés : intransigeants, vent debout, rouges comme on dit toujours du campus villejeannais.
Mariano part de ce père-là. Ce journaliste exilé dont il a aidé à publier l’œuvre avec son frère. Notamment le dernier entretien entre lui et Federico Garcia Lorca. Mariano peignait. Son atelier était ouvert aux visites : le rouge y dominait. Et le noir bien sûr sans quoi l’Espagne n’aurait ni cornes ni anarchisme.
Mariano meurt et le mythe se renforce.
Il avait tout fait pour que Rennes soit espagnole et, souvent, ça marchait. Quand on le voyait venir, la moustache intacte, l’accent rude et rocailleux, sans doute et pour des raisons évidentes cultivé, c’est Madrid qui poussait les portes de La Paix.
Mariano a refait ses valises.
Brutalement. Tous les amis, toute la ville, tous les murs de Rennes rêveront longtemps de ses robes rouges, de ses danses serrées, des paumes enlacées de paumes et de la sensualité de ses balancements. Aussi de ses affiches. Toutes à garder. Voir leur recension récente à La Part Commune que Jean-François Botrel et Jean-Louis Coatrieux, les amis chers, entourent. Mariano Picasso Otero !
Hasta luego amigo.
Gilles CERVERA