Lorsqu’elle inventa le transport du courrier au XVIème siècle, la maison von Thurn und Taxis n’imaginait certainement pas que son nom passerait à la postérité à travers deux mots : le Taximètre et le Taxi. Ces expressions n’ont toutefois – contrairement aux idées reçues – aucun rapport avec cette célèbre famille allemande, puisque leur nom est banalement tiré du grec ancien Taxus (τάξις – taxe) et de Métron  (μέτρον – mesure) ; taxi étant le diminutif de taximètre. Il est question d’un impôt perçu en fonction d’une distance parcourue avec un moyen de transport mis à la disposition d’un ou plusieurs clients – ce qui, somme toute, correspondait à l’invention des Thurn und Taxis s’agissant du courrier.

Des chauffeurs aux avis nuancés en fonction de leur culture

Les taxis sont aujourd’hui souvent utilisés par des personnes sans permis de conduire. C’est le cas d’Aimée de Jongh qui explique chaque fois au chauffeur qu’elle vient des Pays-Bas où l’on se déplace essentiellement à bicyclette. L’auteur se met en scène au cours de trajets qui l’ont marqué ; autant de rencontres différentes avec des hommes parfois taciturnes ou affables, mais qui toujours partagent entre eux de nombreux points communs, à commencer par leur amour du football et une admiration pour le joueur néerlandais Johan Cruijff, dont ils déclament le nom à peine Aimée a-t-elle mentionné son pays d’origine. Chacun a des avis tranchés en rapport avec sa propre culture sur la religion, la mort, les femmes… sorte de fil conducteur sociologique alimenté par la conversion volubile de notre voyageuse.

Un livre atypique construit sur une idée originale

Le lecteur est surpris par certains échanges peu banaux. Rien n’est répétitif, anecdotique, ennuyeux ou commun. Tous les chauffeurs sont sympathiques (oui, même le Parisien !) et agréables. Aimée de Jongh offre un enchainement fluide à ce qui d’ordinaire se résume par des images muettes sans véritable transition. Aucun narratif. Uniquement des dialogues qui se superposent et s’entremêlent. Le récit est construit comme un court-métrage scénarisé au fil des planches et des enchainements entre les villes. Taxi ! est léger, à l’image de son noir & blanc sobre ; un livre atypique construit sur une idée originale, très politiquement woke aussi, mai bon ! l’histoire nous vient des Pays-Bas qui, nonobstant sa monarchie constitutionnelle, n’est pas l’endroit le plus conservateur au monde.

Jérôme ENEZ-VRIAD
© Février 2022 – J.E.-V. & Bretagne Actuelle

Taxi (récits depuis la banquette arrière), une bande dessinée de Aimée de Jongh aux éditions La Boite à Bulles – 95 pages noir & blanc – 17€