Solo réédité. Oui, mais avec des dessins de Xavier Grall lui-même. « Dessins colorés, naïfs », dont le poète a « enlacé, enluminé, illuminé ce long poème », note en introduction  Marc Pennec.

On a tout dit sur Solo, œuvre essentielle sinon majeure de Xavier Grall. Le livre est publié au 2e trimestre 1981 par les éditions Calligrammes à Quimper, soit quelques mois avant le décès du poète en décembre de la même année. « Solo est un long chant de de réconciliation, nostalgique, très tendre, plein d’amour et de considération pour les êtres et les choses, d’un lyrisme au style laconique, précis », écrit Yves Loisel dans la biographie qu’il a consacré au poète de Bossulan (éditions Jean Picollec, réédition Coop Breiz 2015). « Xavier atteint le sommet de son inspiration lyrique et musicale dans Solo, en particulier dans cette fluidité de la mélodie de ses nostalgies et du temps qui passe », note pour sa part Mikaëla Kerdraon dans l’importante biographie qu’elle consacrera aussi à l’auteur (An Here, 2000).

Qui n’a pas désormais en tête, s’il s’intéresse peu ou prou à la poésie bretonne, ces vers qui introduisent Solo : « Seigneur me voici c’est moi/Je viens de petite Bretagne/Mon havresac est lourd de rimes/De chagrins et de larmes ». Des mots qui reviendront régulièrement dans la bouche du jeune Yvon Le Men dans les récitals où il déclame les textes de Xavier.

Xavier Grall, de bout en bout, s’adresse ici à son Créateur. Il lui parle de cette Bretagne qu’il va quitter (ou qu’il a déjà quittée) et lui adresse sa requête au moment de Le rencontrer par delà la mort: « Seigneur Dieu c’est moi/J’ai fait un grand voyage/Permettez que je retourne en Bretagne/ Pour vivre encore quelques années/Je n’ai pas grand âge/vous le savez ». La Bretagne qu’il a aimée est celle des « oraisons ferventes », celle des « bonnes auberges », celle des « grèves ivres », celle des « hymnes marins »…Dans sa « bretonne supplique » (à la manière de François Villon, sous d’autres cieux, en d’autres temps), Grall demande à Dieu de lui redonner sa « maisonnée » et sa « femme française », mais aussi ses trois bouleaux, ses deux cyprès et son « talus buissonnant ».

Aujourd’hui les dessins du poète donnent une couleur chatoyante à cette supplique. Avec les pastels qu’il s’était procuré auprès de Geneviève, une de ses cinq filles, le poète avait apporté « une contrepoint solaire, lumineux, presque enfantin, au tragique de Solo » (Marc Pennec). On y découvre un bateau toutes voiles dehors, un caboulot (« Au repos du marin »), un calvaire comme entouré de buissons ardents, un phare… Un pays « glaz », naviguant entre le bleu et le vert. Sans oublier un « Christ bleu », en référence au Christ jaune de la chapelle toute proche de Trémalo. « Mais Seigneur Dieu/Comme la vie était jolie/En ma Bretagne bleue ». Amen, Alleluia !

Pierre TANGUY
Solo, textes et illustrations de Xavier Grall, éditions Dialogues, 45 pages, 12 euros.

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