Jean-Luc Le Cléac’h : « Rivages » HermineHermineHermineHermine

Auteur d’une Poétique de la marche (La part Commune, 2018), amoureux des paysages littoraux, le breton Jean-Luc Le Cléac’h publie aujourd’hui une véritable poétique des bords de mer sous le titre laconique de Rivages. Il y parle de lieux, d’objets et n’hésite pas à faire état de son « humeur » et de ses « états d’âme ».

Que l’on se rassure. Si Jean-Luc Le Cléac’h  a des « états d’âme » en parcourant les rivages, c’est avant tout pour exprimer son penchant pour la contemplation. Et forcément pour s’émouvoir quand la beauté s’offre à lui. Mais il n’est pas là pour nous décrire des lieux « magiques » ou des paysages « de carte postale » (Ah ! les tics de langage des médias). « Ce n’est pas le bord de mer spectaculaire, ce lieu du tragique qui m’attire, mais le littoral dans ses manifestations quotidiennes, banales. L’ordinaire, voire l’infra-ordinaire, plutôt que l’extra-ordinaire », affirme-t-il d’entrée.

On ne doit donc pas s’étonner qu’il nous parle aussi bien des caisses de marée  que des portiques à conteneurs, des amers ou balises et des câbles sous-marins. Il nous confie d’ailleurs qu’il vit « entouré d’objets maritimes modestes et inutiles. Surtout inutiles : des œufs de raie trouvés sur les plages de la baie d’Audierne, des bois flottés rapportés de l’île de Saaremea (Estonie), des cailloux volcaniques ramassés sur les rivages d’Islande ».

La mélancolie est « une fleur qui s’épanouit volontiers en bord de mer »

Il y a chez Jean-Luc Le Cléac’h, fondamentalement, un « éloge des éléments (le vent, la pluie, l’océan) et de la matière (le rocher, le sable…) ». L’homme n’est pas marin, mais volontiers nageur et surtout randonneur. « La marche au bord de la mer possède cette vertu rare de nous rasséréner ». Mais, en même temps, ce qui caractérise, selon lui, la vie près des rivages, c’est « une anxiété constante mais de basse intensité », parce qu’il y a dans ces lieux « une histoire de lumière et de ténèbres, de silence et des vents hurlants ». Ce qui lui fait dire que la mélancolie est « une fleur qui s’épanouit volontiers en bord de mer ».

Les rivages que l’auteur a empruntés ne se limitent pas, on s’en doute, à ceux de la Bretagne. Jean-Luc Le Cléac’h nous transporte en Irlande, en Ecosse, sur les rivages de la Baltique, dans des archipels de Suède et de Finlande, dans les îles Lofoten… Autant de Fragments d’Europe (titre de son précédent livre à La Part Commune). Chemin faisant, il rumine en permanence les grands textes des auteurs de bord de mer : Francisco Coloane, Alvaro Mutis, Edouard Peisson et surtout Louis Brauquier (« un des meilleurs poètes maritimes que la France compte »).

Si ce livre de Jean-Luc Le Cléac’h révèle le grand bagage culturel de l’auteur sur les rivages, il signe avant tout la posture d’un homme confronté à l’immense (à la manière d’un personnage des tableaux de Caspar David Friedrich, debout face à l’océan). Avec toutes les interrogations d’ordre existentiel qui en découlent. « Nulle part ailleurs qu’au bord de mer, écrit-il, la précarité de l’existence ne se manifeste avec plus d’acuité ». Il ajoute : « ces espaces viennent combler, confusément, le grand vide spirituel qui me semble être, à maints égards, la marque dominante de notre époque ». Ce qu’il souhaite du fond du cœur : « que cet espace fragile demeure accessible aux rêveurs patentés ». Dont il fait partie.

Pierre TANGUY
Rivages, Jean-Luc Le Cléac’h, éditions Pimientos, 143 pages, 14 euros.

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