On l’appelait « le mage de Camaret ». Voici un livre qui permet de découvrir de manière synthétique une œuvre majeure. Celle d’un poète, d’un écrivain, d’un homme de théâtre qui avait élu domicile dans la Presqu’île de Crozon et dont on connaît la fin tragique. « La vie c’est le courage universel », disait Saint-Pol-Roux.
Les dits et maximes de vie de Saint-Pol-Roux (1861-1940) présentés dans ce livre le sont par l’écrivain et poète Jacques Goorma, exécuteur testamentaire de Divine, la fille de Saint-Pol-Roux. Ces fragments renvoient à l’ensemble de son œuvre. « Ils visent à rendre compte de la sagesse de leur auteur, c’est-à-dire de la vision du monde et de l’homme qu’il s’est forgée tout au long de sa réflexion », explique Jacques Goorma. « La vanité de l’homme est en rapport avec sa pesanteur », écrivait Saint-Pol-Roux. « Glorifier la mort, c’est offenser la vie ».
Né dans la banlieue de Marseille, Saint-Pol-Roux (de son vrai nom Paul Roux) était monté à Paris pour faire du droit. Il se mêle vite à la vie littéraire de l’époque, fonde une revue (La Pléiade), rencontre Villiers de l’Isle-Adam, Mallarmé et se fait remarquer par les qualités de ses écrits (Théâtre, recueils…). En 1895 il quitte Paris pour vibre à Bruxelles, dans les Ardennes, puis à Roscanvel avant de s’installer à Camaret en 1905 où il fait construire un manoir à huit tourelles autour d’une ancienne ferme. Le voici face à l’Océan, tout près de l’alignement de menhirs de Lagatjar. « Les personnages de Camaret, le monde familier des animaux (…), les rochers qui l’entourent et que le poète contemple depuis son rêvoir (une étroite plate-forme encastrée dans les rochers et recouverte d’herbe rase et d’où, bravant le vertige, Saint-Pol-Roux contemplait l’immensité écumante autour des Tas de Pois), tous ces éléments sont revalorisés dans son monde, recréés dans le poème de sa vie», raconte Jacques Goorma.
C’est là, à Camaret, que le premier drame arrivera. Dans la nuit du 23 au 24 juin 1940, un soldat allemand investit le manoir, tue la gouvernante, blesse la fille de l’écrivain et tente de la violer (Saint-Pol-Roux avait enterré en juin, dans son jardin, le manuscrit d’un grand poème contre Hitler). Trois mois après, le manoir est pillé et de nombreux manuscrits sont déchirés ou brûlés. Des pages seront recueillies par des gens du pays et conservées précieusement par Divine. Saint-Pol-Roux mourra les 18 octobre 1940 à l’hôpital de Brest.
Le voici qui nous revient à travers ses dits et maximes. « Une parole juste et libératrice », écrit Jacques Goorma qui souligne « la distance de son humour, le don de son amour, la conscience aiguë de la solidarité qui le lie à ses frères humains et la force de son silence ». Saint-Pol-Roux était celui qui pouvait écrire : « A la condition d’être lui-même, chaque homme, si humble soit-il, peut nous offrir un enfant de lumière ». Ou encore ceci : « Un peuple sans beauté commence de mourir ».
Pierre TANGUY
Ainsi parlait Saint-Pol-Roux, dits et maximes de vie choisis et présentés par Jacques Goorma, Arfuyen, 2022, 170 pages, 14 euros.