Dick Rivers a découvert Saint-Cast fin 2018 grâce à son Manager Denis Sabouret. Une semaine à marcher sur la Grande Plage loin des tumultes d’une tournée épuisante. Six mois plus tard, un cancer emportait l’ex Chat Sauvage. Retour sur ces quelques jours d’accalmie, mais aussi sur celui qui l’a invité à découvrir la cité bretonne. Et d’apprendre que :

« J’avais un ami qui s’appelait Jean-Pierre Hervé. Il était vraiment fou des Stones. Alors que les anglais enregistraient l’album « Some girls » au studio Pathé à Boulogne Billancour, de jeunes inconnus Français préparaient leur premier album dans un studio voisin. C’était Téléphone. Bien qu’avec les jeunes français, Jean-Pierre ne lâche pas les Stones. Alors que se profilent 3 jours de pause, il les invite en Bretagne. Keith Richard accepte et débarque à Saint-Cast avec son garde du corps-chauffeur qui était aussi le gars qui lui préparait les seringues et les pétards… »

On était venu bavarder avec Denis Sabouret et lui poser quelques questions sur le séjour de Dick Rivers à Saint-Cast-le-Guido fin 2018. Et on commence par cette anecdote de Keith Richards sur la Grande Plage ! Il faut dire que le dernier manager de l’ex Chats Sauvages a croisé la route de pas mal de stars. Ils ont été nombreux à séjourner dans la maison familiale ou à l’hôtel Ar Vro. L’occasion pour tout le monde de faire une pause entre deux tournées, un enregistrement et pour certain d’écrire une page de leur histoire. Explications.

Comment devient-on manager de Dick Rivers ?
Denis Sabouret
 : J’ai connu Dick à la fin des années 70 alors que j’étais jeune assistant réalisateur à Europe 1. J’étais assistant de Martial Courtois, le réalisateur de Coluche. L’animateur François Diwo m’a donné ma chance en acceptant d’être réalisé par un jeune débutant. J’occupais le même bureau que Michelle Abraham, François Diwo et Yves Bigot.  Tous les 3 avaient en charge les émissions musicales chaque soir de la semaine. Je venais de tomber dans la marmite musicale.
Au début des années 80, je quitte E1 mais je continue à collaborer avec Thierry Le Luron.
A la mort de Coluche suivie par celle de Thierry, j’ai voulu partir aux Etats Unis pour retrouver une femme croisée récemment  qui vivait à New-York. Mon sésame pour les USA m’est refusé et je me rabats sur le Canada car un accord entre les 2 pays  me permettra de filer sur New York. Mon visa Canadien me sera donné mais trop tard j’ai perdu le contact avec cette jeune femme.

C’est comme cela que je me retrouve à Montréal et je commence à faire venir des artistes Français au Québec. Bénabar, Laurent Voulzy, Johnny Hallyday et bien d’autres viendront sur les terres francophones d’Amérique.

Je rentre en France en 1993 et Europe 1 me propose de reprendre la réalisation des matinales d’infos du weekend.

Les années passent et des amis me font écouter une voix incroyable et me confie les droits de ce futur album pour la Canada. C’est ainsi qu’à débuté mon aventure avec ZAZ. Je n’avais jamais vu un succès mondial aussi rapide. Tous les pays la demandaient. J’en profite pour rendre hommage à Annick Geisler, directrice export chez Sony, elle a été essentielle.

L’aventure de ZAZ touche à sa fin pour moi et c’est là que je reçois un appel de Dick. Nous partons en tournée au Canada avec Nanette Worman pour 40 dates à travers toute la belle province.

Après cette tournée,  le manager de Dick,  Michel de Souza, décide de partir vers de nouvelles aventures et Dick me demande de le remplacer.  Nous préparons une tournée française et là, catastrophe Dick chute et se fracasse la tête sur le bord d’un trottoir. Hémorragie cérébrale. Durant les six mois qui suivent, il remonte la pente mais retombe chez lui dans les escaliers et rebelote, petite hémorragie cérébrale, côtes fêlées et poumon perforé. Avec une volonté hors du commun, il remonte la pente et récupère toute sa forme. Nous décidons d’aller faire une résidence de travail chez un ami dans un tout petit village, Riotord, en Haute Loire. Nous recréons un groupe avec des musiciens Nord-Américains et c’est le coup de foudre avec son nouveau guitariste, Robert Lavoie. 

Robert et ses musiciens acceptent de venir faire cette résidence et tout va s’enchainer. Christophe Dechavane propose à Dick de faire la tournée Age Tendre.

Après Age Tendre, nous enchainons avec une tournée qui se terminera le 16 décembre 2018. Nous devions repartir début Avril et ces quelques mois de repos vont me permettre de me reposer sous le soleil Mexicain.

Courant Janvier Dick est très fatigué. Sa femme Babette lui fait faire une prise de sang. Le soir même les résultats tombent. Dick est en phase terminale d’un cancer.

Se sachant condamné, Dick a voulu faire un album live de la tournée. Malgré les traitements et les douleurs, il validera toutes les étapes. Pour moi cet album est un document exceptionnel pour les fans de Dick ceux qui n’auront pas pu le voir car nous avons dû annuler les concerts prévus en 2019.

L’album a pu aller jusqu’au bout ?
D.S. Oui, pour l’instant il est à disposition du fan base sur les réseaux sociaux. Il sera en vente mi-septembre. Mais je ne le mets pas trop en avant : il n’a pas une voix extraordinaire. C’est davantage un document ; c’est son dernier concert. Il a arrêté de tourner le 24 décembre. Le 24 avril il était mort.

Et Dick à Saint Cast ?
D.S. Pendant la tournée 2018, on est devenu très proche, une vraie famille. En octobre, étaient prévus 15 jours de battement. On n’allait pas rester à Paris. On est parti à Saint-Cast. On est venu ici pendant une semaine marcher sur la grande plage et manger des gâteaux à la Belle Meunière. On est venu avec le Chef d’orchestre et le guitariste. Et entre deux marches sur le sable, on répétait de nouvelles chansons. On mangeait tous les soirs dans des restaurants différents dont le fameux Jardin Délice et l’excellente crêperie Le Bonheur est dans le Blé. On a fait tous les classiques. Au trois quarts de la tournée, on était tous crevés. A 21h on était au lit ! Ceci dit, tout le monde était discret et extrêmement gentil. La seule fois où on a été emmerdé c’est sur le port de l’Ile avec des gens qui n’ont pas arrêté de prendre des photos toute la soirée.
Pour finir, il a adoré Saint-Cast. A tel point qu’on avait prévu de revenir avec tous les musiciens avant de redémarrer la tournée… On a poussé jusqu’au Fort La Latte, il a adoré le coin.

Dick Rivers connaissait la Bretagne ?
D.S. Oui ! Son vrai nom c’est Hervé Forneri. Et Hervé est un prénom breton. Il s’est prénommé ainsi en souvenir de son grand-père. Il aimait la Bretagne. Il me disait tout le temps : « j’aimerai avoir une grande maison de famille comme tu as en Bretagne ».
Mais la plus grande attache de Dick, ce n’était pas Nice, l’Italie ou la Bretagne, c’était l’Amérique ! A 14 ans en écoutant Elvis Presley, sa vie a changé. Il disait « ça m’a fait un effet dingue, comme Bernadette Soubirou dans la grotte. » Il n’avait qu’une seule obsession, rejoindre l’Amérique. Moins sur la fin de sa vie. Il aimait toujours le pays, mais moins l’Amérique de Bush et il détestait celle de Trump. Il lui restait cette attache indéfectible avec la musique américaine.

Sans vous, il ne serait jamais venu ici ?
D.S. Non, mais il y serait revenu. Il était très possessif. Installé sur le canapé, il disait, « c’est mon canapé ». Et il disait aux gens, « c’est ma maison » en parlant de ma maison de Saint-Cast.

Ses racines bretonnes sont à Ploumanac’h ?
D.S. Possible du côté de son arrière-grand-mère. Mais tout ça reste assez nébuleux. Si Dick parle de Ploumanac’h c’est aussi parce que j’ai travaillé avec Thierry Le Luron qui est enterré là-bas. A chaque date à Ploumanac’h, on enchaînait sur les anecdotes que j’avais sur Thierry !

Thierry Le Luron est aussi venu à Saint-Cast ?
D.S.
Non Thierry n’est jamais venu car nous étions toujours en spectacle au Théatre Marigny ou au Gymnase. Mais Bernard Mabille qui a écrit le spectacle « De de Gaulle à Mitterrand » est venu avec moi et il a travaillé certains sketchs sur place. C’est pas du rock mais à St Cast, on respire bien, on dort bien et on écrit bien. J’y pense, je suis aussi venu avec le Podium d’E1. Je faisais les 100 dates de la tournée pour Europe 1 avec François Diwo, Nicoletta et Carlos. Nous avions tous logés à l’Hôtel Arvro.

Pour revenir à Dick, comment a-t-il vécu l’épisode Vieilles Canailles réunissant Hallyday, Mitchell et Dutronc ?
D.S. Très bien ! Les médias l’on allumé là-dessus. Mais Dick considérait que c’était tout à fait normal. Il s’en expliquait : « Moi, je viens de Nice. Eux étaient déjà ensemble à l’époque du Golf Drouot. C’était des copains. Ils faisaient de la musique ensemble avant que je débarque de Nice. Il y a deux clans et je suis le clan de province. » Il a fallu des années pour que Johnny et Eddy parlent à Dick. Et finalement, ils sont restés assez copains. Pour l’enterrement de Dick, Laetitia a mis un mot charmant. Dick avait été à l’enterrement de Johnny, mais sans faire une seule déclaration, discrètement.

Et Didier l’Embrouille, il en pensait quoi ?
D.S. Il était extrêmement ami avec Antoine De Caunes et Laurent Chalumeau. Cette image de ringard, il s’en foutait. D’abord parce que dans sa vie, ce n’était pas ça du tout. Passer une soirée avec De Caunes et Chalumeau, ça, ça l’intéressait ; passer une soirée à boire des coups et parler culture avec Eric Naulleau, oui ! C’est incroyable comment les gens étaient autour de lui, même les politiques. Sur la tournée « Age Tendre », on avait une soirée à Clermont-Ferrand où on a rencontré Brice Hortefeux. On a parlé Rock toute la soirée. Il est connaisseur et amateur. Vraiment. Nicolas Sarkozy adorait également Dick.

Hors de nos frontières, il était également connu et apprécié.
D.S. Oui, dès les années 60, il passait des soirées entières avec les Stones, McCartney, etc. Il avait aussi rencontré Elvis Presley (15 minutes !). C’est quand même le seul artiste français qui a été invité par les Beatles sur leur show TV. C’est pour tout ça que son côté ringard l’indifférait.  Dick transpirait le rock, là où Johnny voulait être le N°1, quitte à suivre les modes. Eddy était le crooner.

Propos recueillis par Hervé DEVALLAN
Site officiel de Dick Rivers

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