Il est un écrivain phare de la littérature irlandaise. Prix Nobel de littérature en 1923, William Butler Yeats (1865-1939) est une véritable figure de poète national. Les fragments regroupés aujourd’hui dans Ainsi parlait William Butler Yeats évoquent sa fascination pour le mystère de la vie. Et de la mort.

Aussi bien marqué par le symbolisme de Maeterlinck et le mysticisme de William Blake que par le théâtre japonais et les mythes celtiques, la poésie de Yeats a porté la voix de l’Irlande. On sait en effet qu’il a milité pour l’indépendance de son pays et qu’il réalisé ce que François-Marie Luzel (1821-1895) a fait à son époque en Bretagne en allant recueillir dans les campagnes irlandaises les contes qui se transmettaient de génération en génération. C’est le thème de son livre Le crépuscule celtique réédité à Rennes par La Part Commune en 2013. Yeats s’est toujours fait le défenseur de l’art populaire, « la plus ancienne des aristocraties de la pensée », comme il le disait.

En regroupant dans un livre des extraits de ses poèmes, de ses essais, articles ou correspondances, les éditions Arfuyen nous permettent aujourd’hui d’apprécier la profondeur de sa vision du monde et de l’existence. « Qu’est-ce que le paradis sinon la plénitude de la vie », écrivait William Butler Yeats. C’est sa recherche éperdue du sens de la vie, associée à cette conscience aigüe de la mort, qui taraude l’auteur irlandais. Sur ce terrain-là, il rejoint cette approche commune à tant d’auteurs des pays celtes pour qui une frontière bien ténue sépare la vie de la mort. « Quand nous sommes morts, selon mon opinion, écrit Yeats, nous revivons nos vies en revenant en arrière pendant un certain nombre d’années, foulant les chemins que nous avons foulés, redevenant jeune gens, et même enfants, jusqu’à ce que certains d’entre nous atteignent à une innocence qui n’est plus un simple accident de la nature, mais le couronnement suprême de l’esprit humain ». Il dit ailleurs : « Le naturel et le surnaturel sont intimement liés l’un à l’autre ».

Yeats n’hésite pas, par ailleurs, à se placer à contre-courant des tendances lourdes de son époque, celle de l’abstraction, du dogmatisme, de l’intellectualisme… Il donne la priorité à l’émotion, à l’âme, à l’imagination, au mysticisme. « Tout ce que notre regard touche est béni ». On comprend mieux sa détestation de l’époque qui était la sienne, parlant, à son propos, de sa « lâcheté croissante » et de la montée inexorable de la « haine » ou de « l’amertume » (dans des textes écrits il y a un siècle, en 1921).

Demeure la littérature, « la grande puissance enseignante du monde, l’ultime créatrice de toutes les valeurs ». Et que vive surtout la poésie ! « Lorsque tout tombe en ruines,/La poésie pousse un cri de joie,/Car elle est la main qui répand, la cosse qui éclate,/La joie de la victime au milieu de la flamme sacrée,/Le rire de Dieu devant la dislocation du monde ». La parole de Yeats n’en a pas fini de nous interpeller, à un siècle de distance. « Nous commençons à vivre lorsque nous avons compris que la vie est une tragédie ».

Pierre TANGUY

Ainsi parlait (Thus spoke) William Butler Yeats, dits et maximes de vie choisis et traduits de l’anglais par Marie-France de Palacio, éditions bilingue, éditions Arfuyen, 2021, 176 pages, 14 euros.

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