Vertigo sur rade HermineHermineHermineHermine

Le dernier roman de Tanguy Viel se déroule à Brest-même, et juste en face ! Il a pour décor la presqu’île, pour personnage la rade et pour rythme haletant la fin du socialisme notabiliaire et le règne à tout crin des affaires. Viel écrit caméra au poing.


Vertigo sur rade

Mais il s’agit d’un roman ! Et quel roman ! Un réquisitoire moderne en même temps qu’une sorte de radiographie de tous les chantiers balnéaires fichus d’avance, échus parfois, et ce bétonnage littoral auquel on a échappé versus c’aurait pu être pire.
Nous voilà mis au parfum. Le reste est un seul monologue d’un justiciable devant le juge, sauf que le justiciable justifie une pensée intérieure qui pousse du dedans vers le dehors, avec ou sans titre de propriété. Kermeur et Lazénec, Le Goff aussi, tels sont les noms des protagonistes, ou Erwann. Pour faire bonne figure, une femme nommée France tient un rôle très secondaire sauf le temps d’un baiser et d’une parole redite devant le juge : c’est de ta faute.
C’est surtout un roman de père, de fils, de parrain au sens mafieux du terme, de maire qui est le père de tous les villageois, et de juge qui a un fils de sept ans dont il ne sait bien sûr pas ce qui peut lui advenir. Il arrive dans ce livre ci, et dans la vie, que le fils toise paternellement le père même si celui-ci se prénomme Martial !
Histoire de malentendu, histoire de dol, de divorce, de rafiot et de tempête. Ici, le mot bout se lit avec une sorte d’apostrophe invisible au bout ! Un bout c’est un bout, l’accent tonique ne surprendra personne à Bretagne-Actuelle-même. Plaignons un lecteur éloigné de Bretagne, par exemple solognot ou berrichon, lisant le mot bout sans soulever la finale, quel sens peut-il lui trouver ! Article 353 du Code pénal n’est pas un roman régionaliste, point ! Ni un roman de genre, non plus qu’une bluette sur fond de polar dépressif ou un précis de droit malgré ce que le titre indique et que le lieu unique de ce livre, le cabinet du juge, donne à voir. Foin de négativité, c’est un roman que nous livre Tanguy Viel, c’est-à-dire un truc qui vous emporte, un machin qui nous embarque, de la littérature au sens littéral du terme.
Un livre fort qui vous fait sentir vos chevilles. Viel offre une littérature du vertige, Vertigo chez Minuit ! Et plus besoin d’aller dépenser son argent au Luna-Park d’à côté ! Le chapitre est court, incisif, décisif au point que quiconque, voyant une scène de vide, on parle du vide vertigineux qui aspire au vide, sent en bas de son corps une petite terreur musculaire, un tiraillement puissant, lira ce livre peinard ou devra en sauter un chapitre. Le risque étant que, faute de numérotation, la sensation advienne néanmoins bien que prévenu, ici-même !
Sans qu’on s’en rende compte et même si ça rend compte de la fin d’une époque, des déceptions capitalistiques versus immobilier et d’une des raisons pour lesquelles on trouve des cadavres qui flottent, pas si rarement, entre deux eaux sur les plages, les grèves ou entre les roches sombres ou dessous les pontons des ports.
À Brest même, dont on aime retrouver le rude, le dur, le râle, la rade, le cal et le sale, et, à la toute fin des fins, le juste retour des choses. Cf article de loi du titre !



« Article 353 du code pénal » par Tanguy Viel aux éditions de Minuit, 14,50€

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Edito

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