Un roman de romancier HermineHermineHermine

Famille Carpentier, le père. Disparu tôt, rayé de la carte mais pas du patronyme. Famille Carpentier, le fils, « l’écrivain français » comme l’écrit Neruda avec dédain. Né à Lausanne pour d’autres, cubain c’est plus que certain, bref au jeu de cette famille, Jean Louis Coatrieux a été sacrément persévérant pour remettre la carte dans le bon sens.


Un roman de romancier

Alejo Carpentier, de la Bretagne à Cuba, ce livre de Coatrieux s’avère une vraie enquête, versus feuilleton à suspense. L’auteur déjoue le plus cubain des moins cubains, l’agent triple et le fondé d’un pouvoir occulte dont toutes les valises n’ont peut-être pas encore été ouvertes. Qui sait si on en retrouvera dans le Cher, à St Florent, ou dans quelques caves de quelques offices bien gardés ?

Jean Louis Coatrieux remonte loin, jusqu’à cinq générations, arbre généalogique à la clé, dénouant un écheveau quasi inextricable. Tout est emmêlé. Coatrieux démêle et se démène alors que les biographies sont trafiquées, floutées, revisitées autant par Alejo lui-même que par qui ? Le pouvoir cubain ? L’intérêt supérieur ? Parions que le prochain défi d’auteur de Jean Louis Coatrieux sera de s’intéresser aux agents secrets, car avec Alejo, il s’est exercé !

La mère d’Alejo porte un nom qui n’est pas le sien, est-ce du triché ou déjà du romanesque ? La maleta perdida révèle neuf années après la mort de l’écrivain des documents et des objets dont des lettres à Toutouche  mais « quel lien faire entre Lina Valmont et cet écrivain Alejo Carpentier devenu célèbre mais que sa mère appelle Alexis » ? Coatrieux est sur ses traces et les relient, aidé par personne –bien que d’autres livres aient tenté de suivre l’itinéraire que tout brouille et embrouille. S’en mêle même une gazette anticléricale brestoise narrant un épisode que la morale réprouve entre un prêtre jésuite et la grand-mère d’Alejo. L’âge de la victime est maquillé, 22 ans ? 24 ? Tout est donc si peu vrai dans cette histoire alors que Coatrieux arrime la rambarde. Il écrit pour de vrai sinon pour du vrai ! Que dit Carpentier de son nom de Carpentier ? Il ne peut se faire de biographie exhaustive qu’avec les blancs, les ratures et l’amnésie : de la littérature donc !

L’écrivain mondialement reconnu garde le nom de son père bien que ce dernier l’ait laissé avec Toutouche sa mère, seuls et sans rien qu’une famille en fragments et dans les fragments une matière romanesque ! Revenir à Alejo Carpentier, c’est aussi un des intérêts de ce livre ne démêlant pas le vrai du faux mais redonnant vie à Desnos entre autre. Lui qui le fait venir en France où il se lie d’amitié avec tout ce que compte de culture le Paris de l’époque : Prévert, Aragon ou Queneau mais aussi de Chirico, Picasso ou Yves Tanguy !

C’est un roman écrit, dicté par des faits autant qu’un récit noué d’imaginaire. Le lecteur est mis à contribution car entre les faits, entre le Dr Paul Carpentier qui donne son nom à une rue d’Hennebont et un autre personnage de la famille Carpentier, par exemple un ancêtre pilotin sur l’Hermione, s’il y a un trou, l’imagination le comble.

Jean Louis Coatrieux traite Alejo Carpentier, entre autre titulaire du prix Cervantes à hauteur de Nobel espagnol en cousin de Bretagne. Il livre cette bifurcation bretonne de la biographie comme un récit d’aventure. Il faut dire qu’Alejo Carpentier tient de l’aventurier.

Coatrieux qui a lu durant les deux années de son séjour vénézuélien les chroniques de Carpentier dans un journal local nous fait croire qu’il « ferme enfin son dossier ouvert il y a quelques décennies » : sauf que tout n’est pas complété. Pas sûr que notre auteur rennais laisse tomber son obsession car des mystères demeurent. Sûr qu’il nous donne de Carpentier la clé bretonne de son nom de cubain suisse. Un des derniers baroques !



Alejo Carpentier, de la Bretagne à Cuba de Jean-Louis Coatrieux aux éditions Apogée, 160p, 14€

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Edito

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