«Plus belle la vie». Le «Dallas» des Bouches du Rhône ! Durant les deux prochains millénaires, des générations de sociologues en feront des thèses et des conférences à douze écrans géants. Chaque soir, la grande messe sur France 3 ! Si demain Louna Torrès dit qu’il faut se coller un pain de deux livres dans le derrière c’est la pénurie alimentaire pour 10 ans. Pourtant PBLV repose sur un postulat aussi bidon que le cornet à piston : toute la série se déroule à Marseille et pourtant pas un acteur n’a l’accent du cru.  Ah les connaisseurs me diront que Roland Marci le cafetier du «Mistral» parle local, bah dame non. Il est de Montpellier et cause avec l’accent de Montpellier. Pas la même chose que celui de Marseille camarade ! Chez nous un gars de Trébédan (Pays de Dinan), il ne parle pas comme un tizef de Brest.

Et tout ça est bien symptomatique de la France. Si Plus Belle la Vie avait été tournée en VO provencale, ça aurait collé le mal aux dents à au moins 50% de l’Hexagone. En gros, tout ce qui se trouve au nord de la Loire. Et encore, au Sud ça aurait pincé du bec aussi. Parce que l’accent chez les bobos c’est un peu la honte quand même. Donc on tourne en «accent de la télé» et gros succès. La France est donc un pays qui n’est même pas capable de s’accepter tel qu’il est. Je ne parle pas des questions d’immigrations. Non, non… Là on est dans le «De Souche» pur huile d’olive ou choucroute garnie. «L’accent» autre qu’amerloque ça se fait pas à la télévision française, c’est la faute de goût, comme les poils sous les bras.

Pourtant, dans le premier cinéma au monde : le cinéma américain, on force parfois les acteurs à adopter l’accent irlandais (bon courage !), anglais ou sudiste

Pour le cinéma italien, c’est d’un autre degré encore : des périodes entières de son histoire ont été produites dans les différents dialectes de la péninsule. Là il ne s’agit pas d’accent mais vraiment de dialectes ! Pasolini, dans la période phare du néo-réalisme, a notamment tourné des oeuvres entières en romanesco.

En France, inimaginable ! Même un feuilleton minable diffusé à minuit sur Télé Vesoul qui se déroulerait dans le Loir-et Cher du Québec aurait l’accent de Jean-Pierre Pernault !

Heureusement nous en Bretagne on est parfois moins cons que les autres. Déjà, déjà on a deux langues autochtones, le breton et le gallo ! Et voilà deux idiomes qui sont à contre-courant par nature. Le breton est très fragmenté. 4 grands dialectes, un vraiment différent des autres (le vannetais) et des charretés de sous-parlers locaux. Et pourtant tout le monde se comprend. Alors, pas autrefois bien entendu. Un zigue de Pontivy avait bien du mal à comprendre un gars de la pointe du Raz… bon, en parlant lentement à la rigueur… Mais aujourd’hui, parmi les néo-locuteurs, tout le monde a eu vent des particularités des autres dialectes. Donc, aucun problème. La vrai classe est même d’essayer de parler avec un accent bien marqué. Celui du bled à Mémé Joséphine par exemple. Là c’est 10 bolées de crédit au comptoir du «Papier Timbré» à Rennes !

En gallo c’est plus simple, les accents locaux sont moins marqués, il y a vraiment une grande unité du gallo sur toute la Haute-Bretagne. Mais pour se faire la blonde à l’accent de Peillac à la gallésie en fête vous pouvez faire l’intéressant avec vos «euille, euille» ultra-typiques du Poudouvre (nord des Côtes d’Armor), ça passera mieux.

Et la minuscule production cinématographique en breton (des doublages essentiellement) joue énormément sur ces différences d’accents. Pas un dessin animé où il n’y a pas un éléphant du trégor cavalant après un lion du bas-vannetais. Pareil pour les CD d’histoires distribuées dans les écoles bilingues ou Diwan. Des accents, des dialectes différents à chaque fois dans la même histoire. Et les enfants comprennent tout ça sans faire des yeux ronds ! Imaginez faire écouter un conte dans une école française enregistré avec l’accent du Sénégal ou de la Gaspésie québecoise. Les parents d’élèves s’en rouleraient par terre au minimum ! Pire que tuer un gosse ! «J’appelle l’inspecteur !»

Deux visions du monde.

Et l’occitan ? Trente-trois départements, plus des territoires en Italie et en Catalogne (Val d’Aran), des dialectes à la brouette et pourtant il y a inter-compréhension. Des mags comme le « jornalet.com » ou la « setmana » sont édités en de multiples dialectes mais tous avec la même écriture dite «classique».

En breton, il y a une seule écriture mais celle-ci ouvre la porte à certaines particularités locales notamment vannetaise («get» au lieu de «gant», «àr» au lieu de «war», etc…). On le remarque sur les panneaux routiers d’ailleurs («heuliiñ» -suivre- en vannetais et «heuliañ» partout ailleurs). Et là aussi aucun couinement ! Ca fait partie de l’ADN même du breton.  Tiens, et les radios en breton ! Elles diffusent des programmes en dialecte local qui sont ensuite repris par les autres radios des autres pays de Basse-Bretagne. «Normal» comme on dit à l’Elysée.

La misère de tout ça c’est que quand un hexagonal apprend une autre langue, il a bien du mal à se dépatouiller si celle-ci a des dialectes ou des accents forts. L’italien bien sûr mais aussi l’allemand et que dire du portugais du Brésil ou du Castillan d’Amérique du Sud… L’hexagonal n’est pas habitué aux propres différences internes de sa langue, alors forcément ça n’ouvre pas le ciboulot aux différences des autres. Et ça veut faire apprendre le chinois aux élèves dès la 6ème ! Bien du plaisir !

En fait, la France, après avoir arasé sa langue est en train d’araser la musique de sa langue.

Avant d’araser sa pensée ?


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Edito

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