Bernard Berrou : « La nuit des veuves » HermineHermineHermine

On connaît de Bernard Berrou la veine « irlandaise » de ces merveilleux livres qu’il a consacrés à la « verte Erin ». On connaît aussi son attachement à un territoire d’enfance (la baie d’Audierne) auquel il a consacré un livre unanimement salué (Un passager dans la baie, La Part Commune 2005, Locus Solus 2017.) On avait, par contre,  été surpris de découvrir sa passion pour le GR corse (La haute route, Terre de brume, 2009) ou pour le récit d’anticipation (Sunny Park, Terre de Brume, 2007)


Bernard Berrou : « La nuit des veuves »

Bernard Berrou nous surprend encore plus avec son dernier opus : sept nouvelles placées sous le signe des veuves et sous celui de… l’érotisme. Car la veine érotique est – c’est le moins qu’on puisse dire – peu cultivée par les auteurs bretons (sans doute une question de pudeur) même si quelques noms émergent, notamment ceux de Jean-Pierre Nédélec ou Charles Madezo du côté de Douarnenez, des auteurs qui n’hésitent pas à briser certains tabous.

Aujourd’hui c’est Bernard Berrou qui le fait avec ce talent d’écriture qu’on lui connaît. Il nous raconte l’aventure de sept personnes que les hasards de la vie vont mettre sur le chemin de veuves. Pour ce faire, l’auteur breton nous transporte à Lisbonne, en Hollande (sur un bateau-phare), en Irlande (dans un train), en Auvergne… Sans oublier cet « espace sauvage de garennes, de dunes et de marais » qu’il parcourt tous les jours dans son pays bigouden où la veuve  d’une de ses nouvelles est comme « une âme errante traînant sa douce folie sur la lande ».

Bernard Berrou évoque ici sans détour, les plaisirs de l’amour charnel. Sans doute « sublimés » parce qu’il s’agit de veuves, souvent jeunes, que le désir tenaille (comme il tenaille les héros de ses nouvelles). Voici l’une d’elles, « volcanique et souple, victorieuse et féline » qui, raconte le héros de l’histoire,  « prit les choses en main avec autorité ». Ailleurs, l’auteur fait dire à l’un de ses personnages : « Je me mis à masser religieusement une corbeille nappée d’une tiède rosée, mystérieuse frisure qui  ne laisse jamais en repos depuis la Genèse ».

Il faut sans doute avoir un grand amour (et sans doute une grande expérience) des femmes pour écrire de telles pages. Car Berrou ne se contente pas de nous décrire la montée du désir et la rencontre – parfois torride – des corps. Il truffe ses récits de réflexions qu’il attribue à ses personnages et qui pourraient, sans doute, être aussi les siennes. « On ne désire jamais une femme dans sa globalité, mais pour tout un paysage détaillé qui est enveloppé dans cette femme, un parfum, une robe, une allure, une modulation de voix. Le désir coule dans un agencement ».

Ses personnages, en effet, sont des gens cultivés. Il citent volontiers Derrida, Deleuze ou Cioran. Ils  lisent Borges ou Pessoa. Ils connaissant les bons films, de Blow up aux Deux Anglaises et le continent » en passant par Thelma et Louise ou Harry, cet ami qui vous du bien. On les voit même, dans une forme de dévotion, se rendre sur les lieux de tournage de certains de ces films. Et l’on se plaît à penser que certaines des nouvelles réunies dans La nuit des veuves feraient de merveilleux et excitants courts-métrages.



La nuit des veuves, Bernard Berrou, Editions des Montagnes noires, 135 pages, 14 euros.

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