Thierry Le Pennec : « Un tour au verger » HermineHermineHermine

Il est arboriculteur dans les Côtes d’Armor. Il est aussi poète. Thierry Le Pennec nous entraîne au verger. Pour nous parler de la vie, de l’amour et, finalement, assez peu des pommes. Car  il y a avant tout, dans la vie, les « actes essentiels ». Comme, par exemple, accompagné de sa « grande petite fille », planter « un carré de choux-à-lapins dans le bas du jardin ». Comme, aussi, faire un « épandage des tourteaux de ricin tout autour des troncs ». Comme, encore, « secouer les branches » et porter « les sacs dans les brouettes le long des sentes tracées nouvellement ».

Thierry Le Pennec le dit dans un phrasé désarticulé. Ici pas de poésie bien léchée. Pas de vers alignés sagement sur la page. Pas de métaphores, pas de recherche à tout prix d’images poétiques. Non, plutôt une poésie qui se veut à l’image de la vie : chaotique, brinquebalante, avec ses heures de lassitude mais aussi d’élans amoureux. « O long travail/que celui de pousser les jours l’un après l’autre », écrit Thierry Le Pennec qui peut, parallèlement, affirmer que « l’ode à la joie ce sont odes de ventre ».

Car à défaut de nous parler longuement du fruit défendu (même si les mots Reine des Reinettes et Jonagold surgissent au détour d’une page), le poète préfère nous parler de celle qui cueillit la pomme dans le jardin d’Eden. « Médaillon sculpté/son nombril/j’y applique le mien/2 totems dansant/dans la nuit-myriade/d’atomes de gouttes d’eau phosphorescentes/grande giclée primitive ». Mais le poète sait aussi que « un jour c’est sûr/le désir de chair quittera/tout à fait nos formes blanches ».

L’auteur ne se cache donc pas derrière son petit doigt (et encore moins derrière son sexe). Pour une raison simple : il adhère à la chair du monde. Il vit sensuellement son métier. Son écriture ne peut que s’en ressentir. « Tapotis sur pomme/du plat de la paume » (…) « Voix hautes dans la branches basses » tandis que « les cajeots/s’emplissent/de mots mille fois entendus ». Le Pennec va jusqu’à « l’os de la langue » qu’il truffe de mots venus de son « dialecte chimique » (le breton). Mais c’est toujours pour nous dire le végétal et l’intime, la banalité des travaux et les élans du cœur, loin des images d’Epinal d’un arboriculteur parcourant avec assurance son domaine.

Paol Keineg a raison de le dire dans la courte présentation de ce recueil : « Il y a le verger, et en ce verger l’auteur fait entrer le monde entier ». Et avant tout l’homme confronté au quotidien, proche de ses enfants (un dessin de Mona illumine la couverture du livre) et, de bout en bout, épris de la chair de la femme.

Pierre TANGUY
Un tour au verger, Thierry Le Pennec, La Part Commune, 88 pages, 13 euros.

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