Voyager à Nantes est toujours une plongée des surprises. Heureuses ou moins, mais la ville a créé ce bel événement d’été qui nous fait y aller, y revenir et la découvrir.

Pour les lointains comme pour les Nantais, ce plaisir se renouvelle chaque année. Quel lieu métamorphosé, quel espace inventé, quelle retrouvaille insensée.
Mettons cela dans une plus longue histoire qui précède les surréalistes Jacques Vaché ou André Breton, qu’irradie la vieille section Anar et maçonnique de FO Nantes, ces gens des usines ou du peuple, ces métallos qu’enchante Jacques Demy dans Une chambre en ville ou ces cigales en céramique inoubliables avec Anouk Aimé, pardon Lola !

C’est moi, c’est Lola !

LOL Nantes ! Oui ! Et cet humour étrange, ces voyages pataphysiques ou presque, ce surréalisme du peintre Pierre Roy ou bien-sûr l’attachement gracquien à la forme de Nantes : c’est Nantes.

Commençons ce voyage 2022 par une étape où ne sinue peut-être pas le fil d’Ariane vert des trottoirs. À la médiathèque Jacques Demy, le temps est suspendu et surtout le goût géographique de Julien Gracq. Les photos qu’il a faites au long de ses voyages sont tout sauf des clichés. Pourtant l’Amérique, la 66 ! Pourtant Venise. Pourtant la France. L’expo montre un regard, une place du regardant et nous force à relire ses récits à la fois dans leur inscription, le paysage, et au-delà dans leur fonction imaginaire. « L’œil géographique » grand ouvert à Nantes, y courir.

Les écrivains qui, dans la description, sont myopes et ceux qui sont presbytes…Parmi les premiers : Huysmans, Breton, Proust, Colette. Parmi les seconds : Chateaubriand, Tolstoï, Claudel.

Rares sont les écrivains qui témoignent, la plume à la main, d’une vue tout à fait normale.

Les découvertes au long du fil vert sont aléatoires, toujours.
Retenons le cimetière de la Miséricorde que nombre de Nantais connaissent, forcément. Moins les exogènes que nous sommes, à la recherche, entre tombeaux alignés, que de chapelles pour que de riches défunts, entre champs de morts et tresses de drapages minéraux ou autre pagode bizarroïde, on vous le dit, la ville est surréaliste jusqu’à la fin, nous allons dans ce cimetière, entre herbes folles, saxifrages doux et mausolées défaits à la recherche d’un bestiaire de verre, étrange et formidable, surtout parce qu’il est là. Entre morts et nous vivants, les cerfs nous zyeutent, les biches et les faons nous guettent, brisés, transparents, mortels, immortels, enfeuillés d’or aux cicatrices.

Belle prouesse de Pascal Convert.

Beaux moments Place du Commerce où les échafaudages sont lyriques. Œuvre d’Alexandre Benjamin Navet. Il reconstruit une ville, la soulève et la décale, la refaçade en palissades. Une ville de théâtre s’offre, colorée, poétique, vivante, marocaine peut-être, sahélienne et nantaise, sous les porches desquels on va à la Fnac, au Gaumont ou on remonte vers les Places Royales. Lesquelles, perso, nous déçoivent un peu. Les silhouettes d’Hélène Delprat peuvent suggérer davantage aux enfants à qui la déambulation entre les soldats sombres est interdite ! Basta ! Dommage !

Alors, mise en abyme oblige, nous nous rappelons d’autres voyages et regrettons de l’an dernier la nef fracassée, presque la voyons encore ! Mirage ! Miracle ! Mémoire. Ou sur Graslin, il y a deux ans, la folle cataracte d’eau sur les colonnes classiques !

Allez à Nantes, ce n’est pas si classique ! Voyage promis des Machines de l’île où le héron grandeur plus que nature promet l’arbre et où l’éléphant, gigantesque et vivant, asperge à gogo les petits et les grands pour le plaisir hilarant des grands et des petits !

Nantes a de l’humour à revendre et ça lui vient de loin. Une belle aventure d’y retourner. Verne y est !

Verne y vit !

Comme Gracq et comme Demy ! Comme Ponty au Jardin des Plantes devenu quasi la salle des pas perdus de la gare forestière ! Nantes, malgré sa richesse due au commerce triangulaire, tout nous y ramène, galion espagnol dans le port ou mémoire active des alignements de façade et le mémorial bien sûr, Nantes transborde et dépasse le trauma chaque été par l’art offert ou à d’autres saisons plus musicales, les Folies !

Gilles CERVERA

Jusqu’au 11 septembre

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