Civilisation et littérature sont toujours intimement liées. La première étude exhaustive consacrée à la littérature bretonne date de 1943. Nous la devons à l’écrivain bretonnant Loeiz Herrieu. Il s’agit d’une passionnante histoire depuis ses origines jusqu’au milieu du XXème siècle. Bien qu’épuisé parce que jamais réédité, le texte reste en accès libre sur Internet.

D’où qu’ils viennent et où qu’ils se soient installés, les Celtes ont tous des traditions similaires qui nourrissent une culture commune. Pour autant, chaque pays parle sa propre langue, gaélique ou brittonique, tel le gallois, l’écossais, etc. Qu’en est-il du breton ? Afin de comprendre, il faut remonter au milieu du Vème siècle de notre ère, lorsque nos ancêtres passent la Manche pour venir s’établir en Armorique. Les premiers écrits bretons datent de cette époque. Ils sont religieux et poétiques, avec la particularité de naître au moment où les littératures grecques et romaines déclinent. La langue française, quant à elle, jouit à la même période de ses premiers balbutiements : le plus ancien texte francophone, La Cantilène, date de Charlemagne, un siècle plus tard.

Une place essentielle aux femmes

Les poètes bretons font d’emblée une place essentielle aux femmes, dont les droits n’avaient rien à envier à ce qu’ils sont aujourd’hui. Certaines étaient médecins, d’autre juristes, elles avaient la libre disposition de leurs biens (y compris une fois mariées), pouvaient mener les hommes devant les tribunaux, toutes ou presque étaient lettrées, jouissant par là-même d’une situation privilégiée pour l’époque, prestige dont la littérature s’inspira dans des personnages d’amante, d’épouse et de mère.

Puis vinrent les invasions nordiques qui agressèrent l’Armorique à compter du Xème siècle et, de fait, réduisirent l’utilisation du breton dans les territoires occupés. Un silence de cinq siècles auquel les historiens se réfèrent pour nier la véritable existence culturelle de la langue bretonne et son antériorité au français. Chaque génération s’appauvrissant davantage que la précédente, les premiers textes d’importance qui suivirent datent du XVème siècle. Entre temps, latin et français s’installèrent au pays de Merlin.

L’honneur et une certaine idée régionale

Arrive la renaissance bretonne du XIXème. Nous la devons à l’anti jacobinisme qui incitât les Bretons à faire un retour sur eux-mêmes. Là où la France se vautrait dans le Romantisme, deux valeurs essentielles s’ajoutaient aux textes bretons : l’honneur et une certaine idée régionale du beau. Derechef, la poésie tint une place essentielle dans la culture, avec toutefois une forte influence française. Autrement dit, on écrivait en breton ce que l’on pensait en français, les celticismes épistolaires avaient disparus au profit de la littérature oratoire.

Les crises sociales et les guerres de la première partie du XXème siècle ralentirent considérablement l’émergence d’un renouveau bretonnant, jusqu’à ce que le régionalisme devienne un mouvement politique, puis une mode dont émergera l’immense notoriété de certains chanteurs, musiciens et auteurs grâce à qui la Bretagne est aujourd’hui la seule région française dont la littérature est traduite de sa langue vers le français, et dont la résonnance est internationale.

© Jérôme ENEZ-VRIAD & Bretagne Actuelle – Avril 2018

0 Commentaires

Laisser un commentaire

Abonnez-vous à notre newsletter

Edito

Articles similaires

Autres articles de la catégorie Ar Mag