C'est parfois à de petits faits, souvent anodins, que l'on sent une société changer. D'abord insignifiants, ils vont s'accumulant pour un jour faire - sinon sens - norme. Cette norme que l'on intégrera, homéopathie oblige, sans qu'elle ne suscite ni questionnement ni inquiétude. Et encore moins rébellion.


Récemment, alors que j’attendais une amie dans le hall de la gare de Rennes, j’ai pu observer un agent de sécurité – ou plus précisément une « agente » – demander de se replier à d’innocentes jeunes danseuses qui improvisaient là un petit spectacle aux alentours du piano qu’on dispose aujourd’hui dans les gares. Plus sensible aux possibles remarques de certains tenants de l’ordre qu’au sixième art, sans doute cette officielle redoutait-elle que quelque entrechat par trop audacieux ne dégomme un bambin. Ou une octogénaire.

C’est un exemple entre mille, symbolisant un signe des temps et l’affaire se passerait de commentaire si elle ne s’inscrivait pas dans une suite aussi logique qu’implacable et pernicieuse où, sous prétexte de sécurité, l’espace de nos libertés individuelles mais aussi collectives ne cesse de s’étrécir.

Tour un chacun peut constater comme ça à de multiples signes au quotidien que la sécurité prime. Elle devient un principe prévalent et s’impose sans qu’on puisse le moindrement remettre en cause sa justification.

Nous nous inquiétons de nous savoir fichés, tracés, hackés, conscients que nos goûts comme nos coordonnées alimentent désormais des bases de données que des placeurs de produits et services monnayent au prix fort. Nous avons raison. Mais au quotidien il est de petites démonstrations sécuritaires qui n’ont rien d’anodin et qui réclament tout autant notre vigilance : qui a dit qu’un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité, ne méritait ni l’une ni l’autre ? Et qu’il pourrait bien finir par perdre les deux.


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