Je hante trois cimetières marins, ce qui ne veut pas dire qu’ils me hantent ! Un quatrième aussi mais son intimité m’empêche d’ici en parler. Chacun tient au sien, à soi seul connu.
Celui d’abord de Ciboure, au Pays basque. Ce Pays est comme la Bretagne, c’est un Pays. Le pays Basque n’est pas une région, cela qu’on y respire à longueur d’air et de temps ! Pierre Benoît a sa tombe à Ciboure, l’auteur de l’Atlantide reste en repérage sous sa pierre face aux vagues terribles que les trois digues de St Jean de Luz peinent souvent à contenir. Sur la dalle rose extraite des falaises proches, il y a une sorte de petite cuvette ovoïde de creusée, pour que viennent ici boire les oiseaux, y étancher leur soif. La tombe de Pierre Benoît a des oiseaux pour visiteurs, essentiellement.
Il y a, à Sète, un cimetière marin fameux, qui en vaut deux. D’un côté du Mont St Clair, la tombe de Paul Valéry, lyrique et tournée vers le bleu immuable et de l’autre, côté étang de Thau, la tombe de Georges qui aurait donc eu 90 ans cette année. Brassens dort là, non loin des étangs, son cimetière est marrant plus que marin. Depuis sa tombe, on entend les pêcheurs qui crient d’un pointu l’autre et surtout les chants des pêcheresses enchantant les macchabées et trouvant sans cesse des rimes en S !
Marchons plus près, ensemble, à Tréboul.
Cimetière posé sur la colline, pas si loin de l’île de Saint Pol Roux, notre martyre. Il y a la tombe de Perros, notre Georges de Douarnenez, celui dont les papiers collés nous manquent et qu’il faut aller donc lire et relire. Relire est l’anagramme de relier. Perros nous relie. Pas que les Bretons bien entendu mais la Bretagne aussi pour ce choix de conscience qu’il a fait en venant y vivre.
Quittant la Comédie Française, ses rôles et ses gens, s’éloignant des amis Gérard Philippe ou Jean Vilar et filant avec sa Terrot jusque notre finis terrae. Georges Perros est né Poulot, sur la tombe bien sûr, c’est ce que nous y lisons.
Ce sont toutes ses échancrures qui nous reviennent, ses douleurs, ses cris, ses révoltes, son cancer aussi. Sa voix me revient, d’avant la terrible opération dont il nous reste à relire l’ardoise magique. Me reviennent ses silences surtout.
Un jour, il y a loin, au TNB, à Rennes, qui devait s’appeler peut-être à l’époque le Grand Huit, ou peut-être la Maison de la Cu, il était venu pour une causerie. Il s’est beaucoup tu, laissant son hôte, Gilles Fournel parler. Puis il est sorti de son mutisme, a finalement dit des poèmes bleus, il a parlé dans son blouson, menton rentré. Ses yeux ont dit le reste, dit-on d’un regard qu’il est perrosien ?
Perros disait ne pas écrire, juste faire des pense-bête, retenir certains mots qui « comme des oiseaux se posent sur l’épaule ». Décidément, les oiseaux !
Puis il a donné des cours délittératurants à Brest. Heureux les étudiants qui ont pu voir venir l’olibrius à moto et démonter mot à mot sa libre liberté.
La revue Europe N° 983 (18€50) rend hommage à Perros et invite à le relire avec urgence, tout le temps. Ses notes sont comme les phares & balises, indispensables aux navigants de la vie !
À Tréboul repose un poète à jamais, dont les mots continuent de nous tenir éveillés.