On pourrait croire, comme ça, à première vue que le comportement de certaines régions du monde revendiquant leur indépendance s’appuie parfois plus sur une volonté d’agiter le chiffon rouge à la barbe de l’Etat tout puissant et souverain que d’afficher de réelles motivations. Les opposants aux dit-indépendantistes voient depuis toujours dans ce combat une démarche relevant plus du folklore, voire d’une certaine marginalité qu’une volonté mue par de solides intentions. 

Ne nous méprenons pas. Même si les clichés ont la vie dure, le temps des gilets en peau de mouton retourné et des foulards parfumés au patchouli est révolu et bien révolu. De solides raisons existent et bien plus encore. N’en déplaise à nos gouvernants.

Conserver son chez-soi

A l’heure de l’Internet et des réseaux sociaux, le monde s’est transformé en un village renforçant nos réflexes identitaires. La mondialisation est passée par là lissant les particularismes et standardisant les particularités. On mange McDo aux quatre coins de la planète tandis que nos voisins chinois nous habillent de pied en cape, le tout sur fond de turbulences politico-économiques permanentes.

Pour Carlo Lottieri, professeur en philosophie politique de l’université de Sienne, un spectre hante encore l’Europe mais il ne s’agit plus du communisme qui, il y a un siècle et demi, nous venait de Marx et Engels. Il s’agit du spectre de l’indépendance, directement issu de la crise de nos Etats-nations.

Résultat, un besoin d’appartenance poussé par des velléités d’émancipation de plus en plus marquées. Dépendre d’une entité telle que l’Europe, pourquoi pas disent certains mais à condition de conserver son chez-soi.

Aujourd’hui, ce serait un « oui » en Ecosse

L’Ecosse en est le parfait exemple. La Grande-Bretagne a tout juste déclenché la procédure de sortie de l’Union Européenne que la Première ministre de l’Ecosse, Nicola Sturgeon, a aussitôt demandé à Londres « le pouvoir d’organiser un second référendum d’indépendance. » Une décision liée au projet de la séparation du Royaume-Unis d’avec l’Union européenne ce dont l’Ecosse ne voulait pas. Pas moins de 62% de ses ressortissants avaient voté pour rester dans l’Europe tandis que le Royaume Unis au nom du Brexit avait décidé à 52% d’en sortir.

Le Parlement régional écossais, dominé par les indépendantistes du Parti national écossais (SNP) vient donc de remonter au créneau en se prononçant par 69 voix contre 59 en faveur de ce nouveau référendum, moins de trois ans après celui perdu en septembre 2014 (55 % contre 45 %).

Pas sûr du tout que la Première Ministre britannique donne son feu vert nécessaire de la part de Westminster pour un second passage aux urnes à celle qu’on appelle la « dame de fer » d’Edimbourg. Bien que Theresa May se dise favorable à la demande des Yes Scotland, les discussions longues et complexes devant s’engager autour du Brexit, les Ecossais devront sans doute attendre un peu même si on parle déjà d’une seconde consultation d’ici 2018 ou 2019.

Pour autant, selon un sondage Ipsos Mori, si le vote pour l’indépendance devait intervenir aujourd’hui, il serait de 50-50, un autre donnant le « oui » pour l’indépendance à 52 %.

De la Bretagne à la Lombardie

Lombardie, Vénétie, Sardaigne, Catalogne, Bretagne, Corse, Savoie, Pays Basque, Flandres, Bavière, Tyrol du sud, Ecosse… Sans être exhaustive, cette liste déjà assez flatteuse nous donne un aperçu des onze régions d’Europe qui réclament régulièrement leur propre gouvernance. Langues, empreintes culturelles fortes et volonté de s’autogérer sont leur fer de lance.

Toujours selon Carlo Lottieri, si l’on considère les 49 États qui composent aujourd’hui l’Europe, 27 ont été constitués au XXe siècle, et presque à chaque fois en faisant suite à un processus de séparation progressive. « En 1901, ni la Finlande, l’Irlande, ni même la Croatie, la Slovaquie ou l’Estonie n’existaient, ajoute le philosophe italien. Ce à quoi il faut ajouter la désintégration de l’URSS et de la Yougoslavie. La naissance d’institutions de taille réduite est désormais la norme, et pas uniquement en Europe, notamment parce que les entités minuscules sont en général mieux administrées et la qualité de vie y est meilleure. »

« Ces nouvelles structures ne peuvent plus nier aussi facilement aux populations qui les composent le droit de vote et la possibilité de s’exprimer », reprend l’universitaire. »

De quoi donner quelques sueurs froides à grande dame Europe et aux dirigeants des pays la composant. On l’a vu encore récemment avec la Catalogne qui vient de se voir refuser tout dialogue par le gouvernement espagnol. « La désintégration des États-nations prend la direction exactement opposée à la construction européenne, d’autant que la configuration actuelle est celle d’États enclins à se soutenir mutuellement, analyse encore Carlo Lottieri. Les technocrates européens craignent fortement que le pouvoir se délocalise et que les villes et régions entrent en concurrence. Leur rêve est celui d’un continent uni et placé sous un pouvoir technocratique. Ils feront donc tout leur possible pour barrer la route aux Flamands, aux Écossais et aux Catalans et à tous les autres. »

MLB

« Every New Right Is A Freedom Lost » est un ouvrage écrit par Carlo Lottieri, dans lequel l’auteur livre ses réflexions sur les droits des citoyens aux Etat aux Etats-Unis, en Amérique Latine et en Europe aux éditions Monolateral.

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Rien ne manque à la panoplie de l’indépendantiste californien. Le passeport est même prêt…

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