Quelques chiffres. Plus de 2 millions de disques vinyles ont été vendus en France l’année dernière, contre 519.000 en 2012, 742.000 en 2013, 825.000 en 2014, 988.000 en 2015, et 1,7 millions en 2016. Pour autant, malgré cette hausse constante, le 33 tours ne représente aujourd’hui que 7,6% des supports physiques musicaux vendus.

Quel point commun entre Renaud, chanteur populaire français, et David Bowie, défunte pop-star internationale ? Au premier abord, rien de flagrant.  Ils sont  toutefois, chacun pour son dernier album,  les plus grosses ventes hexagonales de 33 tours. Environ 17.000 pour le dernier Bowie, Blackstar, talonné par celui de Renaud qui avoisine les 16.800, auxquels s’ajoute l’ensemble des rééditions 33 tours du catalogue de Johnny Hallyday qui, tout album confondu, gagne la première place de l’artiste francophone le plus réédité au format vinyle.

LE 33 TOURS VOIT LE JOUR EN 1948

Un peu d’histoire pour bien comprendre. Le 33 tours voit le jour en 1948. Il est promis au remplacement du 78 tours, disque recouvert d’un polymère naturel dans lequel est gravé un sillon parcouru par une aiguille de lecture à mesure que la galette tourne 78 fois par minute. Le 33 tours fonctionne à l’identique, tout en profitant des avancées technologiques de son époque. Par souci d’économie, le polymère est cette fois synthétique (polychlorure de vinyle – PVC), et le sillon y est moins profond (d’où « microsillon »), avec une capacité d’enregistrement décuplée, 30 minutes par face contre 3 à 5 minutes pour le 78 tours.

LE CHALEUR DU SON

Il faut attendre 1982, date de lancement d’un certain Compact Disc par Sony et Philips, pour que la suprématie du vinyle soit contestée. Le marché s’inverse à coup/coût de marketing. En quelques années, le 33 tours disparaît des bacs dans lesquels il tenait depuis 40 ans… Sauf pour les DJs et les inconditionnelles devenus nostalgiques et qui, aujourd’hui encore, évoquent la chaleur du son, affirmant que le disque vinyle se distingue du CD et autres formats numériques par sa sonorité unique, irremplaçable, incomparable. Cette réputation d’un son plus doux, davantage organique que celui des autres supports, est expliquée par les aigus mixés en retrait afin d’éviter toute distorsion qui se produit lorsque le signal à enregistrer dépasse l’amplitude maximale permise par le support devant restituer le son. Cette distorsion est différente en fonction des enregistrements, analogiques ou numériques, mais aussi de leur support respectif, physique (disque) ou virtuel (fichier MP3). De fait, chaque support nécessite une captation et un mixage spécifique afin de restituer au mieux les performances sonores qu’il autorise.

LA NOSTALGIE D’ACHETR UN BEL OBJET

Outre ces explications techniques justifiant la (possible) suprématie du son analogique, le retour en grâce du disque vinyle est aussi dû à la nostalgie d’acheter un bel objet auquel nous prenons soin comme d’un petit bijou précieux qui génère une gestuelle relative au matériel d’écoute : platines, ampli, baffles, etc… Presque un fétichisme des belles choses. Mais retrouver la chaleur du son d’hier impose des impératifs techniques et couteux. Voilà où le bât blesse ! D’un côté, un marché qui ne s’est jamais aussi bien porté depuis des années. De l’autre, la mauvaise qualité des disques en vente.

LA BANDE ORIGINALE

Pour reproduire un son de qualité sur vinyle, les enregistrements doivent être analogiques et, pour les anciens, il est indispensable de récupérer la bande originale afin de restauration. Travail long et fastidieux mais essentiel si l’on veut restituer toutes les qualités sonores du format. De même, les fichiers numériques non compressés et enregistrés directement sur la table de mixage, nécessitent d’être convertis avant d’être gravés sur sillon. Hélas ! Seulement 0,1 % des 33 tours sont pressés à partir de bandes analogiques. Un format devenu extrêmement rare, sur lequel plus personne ne travaille. Il suffit d’écouter les rééditions vinyles à 10 ou 15 €.  Impossible que l’album ait été reformaté et remixé. C’est de l’arnaque pour mauvaises oreilles. De la même façon que d’avoir utilisé au début des années 80 les matrices analogiques des vinyles pour les ressortir en CD.  Le son n’étant pas adapté, il était obligatoirement moins bon à l’écoute.

UN RESULTAT EFFROYABLE

Hier comme aujourd’hui, les majors rentabilisent leur fond de catalogue au détriment du son. Certaines maisons de disques ne s’embêtent pas et copient directement le CD ou le fichier numérique avec la certitude d’un résultat effroyable. Mais l’objet est là. On l’achète. Le garde. Le regarde.  Comme un livre dans un format Pléiades qu’on ne lira jamais. Le 33 tours est redevenu un objet. Bel objet que n’a jamais été le CD. Pour le meilleur des yeux et le pire des oreilles. Reste le marché de l’occasion où de nombreuses pépites des années 70 marient toujours le charme et le son.

Jérôme Enez-Vriard

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