Avec Gary Oldman, Mark Strong, John Hurt
Il est peu de dire que ce film déroute durant les vingt premières minutes. On s’interroge devant une pièce de théâtre moderne, avec des gros plans sur des gueules « so british » défendant des thèses et des scenarios d’espionnage plus ou moins opaques. Le tout sur bande son luxueuse et gentiment décalée. Et puis le charme s’installe doucement, sans que l’on nous livre trop facilement les clés de ce continent secret mis à jour pour nous. Thomas Alfredson, connu essentiellement pour avoir mis en scène le cultissime « Morse », a continué sur sa lancée elliptique et virtuose. Ce qui confine, autour de cette énigmatique et fascinante taupe, à prendre de jolis risques. La peinture des années 1970, par exemple, est travaillée de manière délicieusement surannée, avec de jolis clins d’œil aux meilleures séries britanniques de l’époque.
La magie opère et ce Smiley/Gary Oldman, avare en grimaces, finit par capter toute la lumière, devenant central, obsédant et inquiétant. Ce Sisyphe moderne poursuit son enquête sans s’inquiéter d’aucune chausse-trappe, sans se lamenter sur le déclin anglais. Mais au fait, et si c’était lui la taupe ? Et parmi ces pontes du contre-espionnage (un plateau d’acteurs so trendy), qui a vraiment compris quoi ? Ainsi, plutôt que de rester fidèle formellement au roman de John Le Carré « Tinker, Tailor, Soldier, Spy », paru en 1974, le film est une parabole sur la vanité des prétentions humaines à gérer le monde, la guerre froide étant ramenée à un ballet absurde ou l’on ne s’intéresse plus à la vérité mais plutôt à la manière de la pervertir à destination de l’adversaire. Adversaire avec lequel on peut aussi, comme si tout cela n’était pas vraiment sérieux, échanger des pions importants. Mais on peut aussi choisir la voie de la cruauté, la loi du talion. C’est selon. Ainsi l’action finale, une fois la lumière acquise, est d’une implacable beauté. Virtuose donc.
février 2012 (2h 07min), Réalisé par Tomas Alfredson Prod française, britannique, allemande