Disons-le d’entrée, nous ne connaissions pas Thomas Huber et sommes heureux que le Musée des Beaux-Arts fasse les présentations jusqu’au 21 mai 2017.


À dire vite, nous avons tellement pensé, un peu écrit, du mal des Beaux-Arts de Rennes qu’il nous faut enfin nous rattraper. Nous avons dit de son désordre scénographique, de ses dédales fatigués, de ses cimaises dix-septiémistes exorbitantes, de son joyau, la belle maternité de Georges De la Tour non sans qu’on évoque avec soulagement LE Picasso qui se compte par trois et la découverte à découvrir : le prochain Le Nain!

Il nous faut aujourd’hui dire qu’aujourd’hui est autrement beau et autrement montré. Que les escaliers sont redessinés a fresca pour notre bonheur sauf si par malheur on souffre de trouble vestibulaire. Restons sérieux. Les couloirs sont mieux présentés, rendant vie au moderne. Camille Bryen, Olivier Debré ou LE de Staël, LE Poliakoff et la salle Asse bien sûr. Tout donne envie d’aller plus loin et fait pédagogie. Nous ne trouvons désormais plus que mal placé le Morellet, ses trois carrés référés étant trop distants de la référence.

Le musée de Rennes prend de l’allure, devient une étape où flâner, un espace où vivre, un musée où s’amuser. Et ce d’autant, nous en profitons, que l’expo temporaire dessine cet esprit de renouveau. Nous écrivons cela revenant du Quai Émile Zola et ayant passé trois jours entre Flandre et Picardie, passant du Cateau-Cambrésis, le Musée Matisse, au Louvre-Lens jusqu’au FRAC incroyable de Dunkerque, sauvé des docks. Trois jours nous ont hélas forcés à laisser tomber la Piscine de Roubaix ou le musée de Gravelines, le Musée d’art moderne et son aile d’art brut de Villeneuve d’Ascq ! Douce frustration de devoir ignorer dans ce territoire terrible des terrils tant de lieux d’art tout aussi pertinents les uns que les autres.
Retour à Rennes.

Où, en ce moment et jusqu’à mi-mai, les cimaises sont le tableau ou l’inverse. Musée repeint ou presque ! Thomas Huber donne à voir À l’horizon, à rentrer dans la perspective, à soutenir des faux semblants, à vérifier le dessous des cartes (et des tapis). Le peintre suisse né en 1955 nous fait penser de Freud à Breton, passer de Magritte à Tanguy. Les peintures classiques de l’étage poursuivent leurs lignes à travers les plafonds ou vice versa. Les lattes des planchers de la Grande Salle prolongent celles du tableau : la continuité entre le réel et le tableau interroge. Où est ce qu’on marche ? Le regardeur est-il dedans ou en dehors du cadre ? Au-dessus ou en-deçà ? Est-ce qu’on survole ou est-ce le tableau qui nous aspire, nous soulève, nous subsume ou nous sublime ?

L’expo n’enchantera pas que les lyriques de la mathématique, les géomètres de l’âme y trouveront aussi leur compte, voire ceux qui sont sujets à l’inquiétude. Huber inquiète, il déplace, il controverse avec les plans, vitupère les logiques et décentre le regard du regardeur. Nous sommes dedans et dehors à la fois, verticaux et horizontaux, bref le très net hubérien peint l’apesanteur, la nôtre, et déforme le formel. Il fait turbuler l’espace. Le peintre s’avère un architecte obsessionnel. Ses piscines réclament de l’eau et deviennent des vaisseaux en lévitation. Les corps sans tête vont voir sous les tapis . Ses portes portent des ombres et le porte-à-faux devient halle, immense entrepôt vide (avec lutrin) ou open-space. Huber est le peintre de l’open et du souterrain, de l’enfer et de l’ouvert.

Le Musée des Beaux-Arts de Rennes joue enfin, jubile enfin. Notons-le avec plaisir, c’est la fin du XIXème en bord de Vilaine. Il faut le claironner ! Certes, tout reste sage ! L’invité du jour tend à réunir la couleur, le volume, et ce n’est pas rien, la cérébralité. Rennes reste propre et intello, on ne se refait pas !

Il y aura, on le sent venir, un jour un peu de débridé, un chouya de punk, un cheveu dépassera voire, quelques coulures. Le contraire de Huber dont la rigueur est scientifique, la ligne nette et dont l’équation en x ou en y devrait fusionner Rennes 1 à Rennes 2, enfin !

Les Beaux-Arts peuvent donc nous étonner à Rennes et Thomas Huber, jusque-là injustement méconnu par nous, devient, dans ce lieu familier, un de la famille ! Avec cet invité obsessionnel et ironique, dans le Musée sur les quais, toujours raide mais moins guindé, on se sentirait presque chez soi.

Dernière bizarrerie, car l’amour est décidément vache, à propos du catalogue. Celui-ci, très réussi,  semble édité par le musée et singulièrement pour l’expo. Sauf qu’il est en bilingue, anglais/allemand. Le français est réduit à un cahier supplémentaire assez mal aimable.

Le Musée avance. On attend la prochaine surprise.

Gilles Cervera

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Thomas Huber au Musée des Beaux-Arts de Rennes
Jusqu’au 21 mai 2017

CONTACT
Accueil
 :  02 23 62 17 45
Réservation groupes, matin uniquement (scolaires et autres) : 02 23 62 17 41
Mail : [email protected]

HORAIRES D’OUVERTURE
Du mardi au vendredi : 10h/17h
Samedi et dimanche : 10h/18h

Fermé le lundi et les jours fériés

ACCES
Stationnement parking Kléber
Métro A : République
Bus arrêt « Musée beaux-arts »
Bus arrêt « Lycée Zola »
Vélo STAR : station avenue Janvier
Stationnement réservé aux personnes en situation de handicap Rue Léonard de Vinci

Tarifs : 6€, sauf tarifs réduits


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