La forme de l’eau HermineHermineHermineHermine

Le nouveau film du Mexicain Guillermo del Toro est une ode à la différence, un appel au vivre ensemble où les méchants n’ont pas l’image qu’on leur prête. 


La forme de l’eau

La forme de l’eau s’inscrit dans l’injustice sociale de l’Amérique puritaine des années 50.  En quelques scènes incisives, Guillermo del Toro dénonce le racisme et l’homophobie d’un revers d’images. La bête n’est pas celle que l’on croit mais celui qui la regarde avec les yeux agressifs de la suprématie.

Première surprise. La lumière. Le jour est absent tout au long du film. La nuit semble plus noire qu’ailleurs et les intérieurs mal éclairés. L’humidité prend sa place. Verdâtre. Bleutée. Une fraicheur de nuit automnale. Elle gagne le spectateur à mesure de l’histoire. La forme de l’eau est un film à basse température et multiples références.

On y voit d’abord Jack Arnold et son Étrange Créature du Lac Noir (Creature from the Black Lagoon), trilogie qui révolutionna le genre fantastique dés 1954. Ensuite, La Belle et la Bête de Cocteau. A soixante-dix années de distance, le jeu de Sally Hankins (Elisa) rappelle celui de Josette Day (la Belle). Le lait de la tendresse humaine les habite l’une et l’autre. Puis nous revient en mémoire Jack Palance (Le Mépris, Bagdad Café), les angularités de son visage semblent avoir inspiré le maquilleur de l’homme amphibien interprété par Doug Jones. D’autres univers s’emboitent les uns dans les autres. Tim Burton, on y pense. Jules Vernes, bien-sûr.  H.G. Wells, évidemment. Et pourquoi pas Dostoïevski à travers son roman Le Double, s’agissant cette fois non pas d’un double destructeur, mais d’une gémellité affective face à laquelle plus aucune différence physique n’existe.

Mais La Forme de l’eau n’est pas que l’histoire d’une femme muette, timide et introvertie tombant amoureuse d’une bestiole aquatique visqueuse et luminescente. Sinon ce n’est serait qu’un film, en tout cas pas un film de Guillermo del Toro, puisque l’œuvre du cinéaste est construite sur l’état larvaire des sentiments. Leur évolution dépend du contexte dans lequel évoluent des protagonistes en décalage avec le monde réel, recul permettant au spectateur de mieux appréhender le message.

L’amplitude des antagonismes s’étend de la Guerre froide à la mésentente d’un couple dont la vie commune se dissout dans l’abattement et la fatigue. Guillermo del Toro prouve que deux êtres ne s’opposent pas systématiquement l’un à l’autre faute d’une ressemblance physique ou d’idées communes. Loin s’en faut. La forme de l’eau ne convie pas les critères qui différencient humains et monstres, mais ceux qui, précisément, les rapprochent. D’ailleurs, le seul clivage du film est celui des intelligents face aux abrutis.

L’intensité émotionnelle est posée par le regard d’une femme muette, elle-même monstre aux yeux des autres, sur un animal aquatique en comparaison duquel son handicap n’existe plus. De fait, nous sommes tous le monstre de quelqu’un. L’essentiel est d’apprendre à communiquer.

Si l’on ajoute la photographie : somptueuse, le cadrage : parfait, et la musique du Français Alexandre Desplat : sublime, on se dit que La Forme de l’Eau mérite au moins un des Oscar que lui sont prédits. Réponse le 4 mars 2018



de Guillermo del Toro, avec Sally Hawkins, Michael Shannon et Richard Jenkins

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Edito

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