La fille de Brest : action ! HermineHermineHermine

Le 23 novembre 2016, le film « La fille de Brest » viendra raviver le cauchemar des victimes du Médiator, médicament dont la nocivité fut établie au grand jour par le Dr Irène Frachon, après 30 ans d'exploitation commerciale en tant qu'antidiabétique et coupe-faim. Il y a exactement 7 ans, cette pneumologue brestoise stoppait en marche un terrible engrenage de condamnations sur ordonnance, un trafic d'influences camouflant sous l'intox une intoxication monumentale. Des millions de prescriptions puis proscription totale, fatalement un scandale.

La fille de Brest : action !Note : 3 sur 5

Volontairement évasif, ce titre illustre le rapport de force démesuré auquel Irène Frachon a immédiatement été confrontée.
« Et elle sort d’où cette fille ? De Brest ? Oui enfin ça ne nous dit pas où c’est »… Mais pas question de frémir devant les géants, Irène a foncé. Assistance à personnes en danger.

Son identité en tant qu’intermédiaire importait moins que sa qualité de médecin. Science contre inconscience, le vrai rapport de force serait là. Des milliers de victimes sortirent de l’anonymat et appuyèrent par leur exemple les stupéfiantes révélations : le médicament, prescrit dans le traitement contre le diabète type 2 et comme simple pilule coupe-faim, s’attaquait insidieusement aux valves cardiaques des malades, entraînant chez certains de graves complications, voire la mort. Effet secondaire un peu fort mais qui, assurément, coupe la faim. Le retrait des ventes ne tarda pas, mais le combat, pour les victimes comme pour Irène Frachon, ne faisait que commencer.

Donner l’alerte, c’est une chose. Mais évaluer les préjudices au cas par cas, prouver irréfutablement l’influence du médicament dans les morts attribuées à la prise du Mediator… Rester mesuré, factuel quand la réalité vous enrage, quand l’injustice est criante et les erreurs évidentes, difficile mais nécessaire quand les coupables sont intouchables et les victimes incapables de se défendre seules : les morts ne sont plus là pour accuser, et quant aux vivants…De quoi se plaignent-ils puisque ça ne les a pas tués ? Par défaut soupçonnés, les malades allaient devoir accumuler les preuves, comme des coupables. Injustice ? Préjudice ? Prouvez-le. Ah, vous n’avez pas fait médecine… Et c’est ainsi qu’Irène, nouvelle Erin, se retrouva seul espoir pour toutes ces victimes désarmées face au système verrouillé, médecin et soudain porte-parole, avocat, et le tout contre son camp. Tirer sur les ambulances quand on est soi-même blouse blanche, c’est se lancer dans l’arène avec une balle dans le pied. Et elle l’a fait.

On comprend sans aucun mal que son destin ait retenu l’attention de la réalisatrice Emmanuelle Bercot, mais on admire surtout sa décision d’en faire un film, de mener cette affaire encore sensible au cinéma. Le résultat aurait pu être dramatique,  mais au contraire : si c’est un drame il est passionnant, parfaitement documenté et touchant. C’est un point de vue. Il fallait un point de vue, à la fois pour rendre l’affaire accessible, et le film sensible. L’affaire est complexe, scientifique, technique, juridique, bref, loin des jolis dénouements romantiques à la Grey’s Anatomy, et pourtant, et pourtant les mouchoirs sont invités, l’humanité mise en exergue de ce grand merdier, par l’intermédiaire de cette fille, de ce médecin parmi les autres dans sa blouse immaculée, dans son hôpital un peu paumé, de ce médecin qui n’a pas cherché la gloire mais la vérité, qui a fait son travail tous comptes faits : sauver des vies, à tout prix.

En salle dès le 23 novembre 2016, il met en scène la ravissante Sidse Babett Knudsen (Borgen, L’Hermine) et Benoît Magimel (qu’on retrouve dans La Tête Haute, dernier succès d’Emmanuelle Bercot), figures majeures d’une distribution par ailleurs irréprochable.

Tiphaine KERVAON

A lire aussi
– Enquête : Médiator 150 mg, une exception ?
– Interview du Dr Irène Frachon, pneumologue à l’Hôpital de la Cavale Blanche de Brest
– Interview de Laurent Boussu, Directeur du département Gestion des risques et assurances des Laboratoires Servier
– Chronique du livre : « L’affaire Médiator, un devoir de vérité » du professeur Jean Bardet

La Filled e Brest, un film d’Emmanuelle Bercot avec Sidse Babett Knudsen et Benoît Magimel

0 Commentaires

Laisser un commentaire

Abonnez-vous à notre newsletter

Edito

Articles similaires

Autres articles de la catégorie Drame