La chasse du titre, c’est une chasse à l’homme. Celle lancée contre Lucas (Mads Mikkelsen) par tout un village, par ses anciens amis, par l’administration…
Lucas se remet difficilement d’un divorce lourd, compliqué. Il vient juste de retrouver un emploi, qui l’épanouit totalement. Jusqu’au jour où la fille de son meilleur ami l’accuse de l’impensable…
On sait depuis Festen, qui l’avait révélé au monde entier, que le réalisateur Thomas Vinterberg aime aller creuser au cœur des familles, là où ça fait le plus mal. Festen révélait un inceste, tu pendant de longues années et narrait les dégâts de ce silence dans la famille concernée. Festen réglait des comptes aussi. La chasse parle d’un mensonge, tout petit au départ mais qui va prendre une proportion démente à cause de notre époque, à cause de nos frousses actuelles, de notre attitude presqu’irrationnelle envers la parole de nos enfants … Et ce que subit Lucas, tout au long de ce film, lui qui ne cherche même pas à se défendre tant l’accusation lui semble absurde, est digne de l’âge des ténèbres. D’autant que Lucas habite une toute petite ville de la campagne danoise, où les moeurs sont rustiques, où les hommes virils et chasseurs ne s’embarrassent pas vraiment de psychologie et n’ont aucun art du compromis et où les femmes (sujet complètement écarté ici) n’ont pas leur mot à dire. Certes, les codes de la société sont clairs : les hommes boivent, plus que de raison, se retrouvent entre eux pour chasser le gibier et éduquent leur fils avec à peu près la même rudesse. Lucas, même s’il adhère au mode de vie commun, est un peu plus fragile, un peu plus subtil : son fils adolescent, coincé par le divorce, lui manque, mais il apprendra tout de même à manier un fusil pour être intégré à la communauté.
Autant Festen était un coup de poing sans nuance (le sujet ne le méritait sans doute pas), peut-être plus difficile à regarder aujourd’hui qu’à l’époque de sa sortie. Autant La chasse est un film un peu plus ambigu : il s’agit d’y déjouer une rumeur (rien n’est plus diffus) que le principal protagoniste subit. Sans la comprendre ? Sans y croire ? Sans la combattre, lui l’homme des bois habitué à découdre avec la vie et la mort. On comprend mal comment il se laisse enfermé dans ce statut de victime, en tardant à réagir, comment l’enjeu ne provoque chez lui un sursaut d’orgueil, de conviction… Evidemment, sans un acteur aussi puissant et inspiré que Mads Mikkelsen, qui joue à merveille la fragilité et la force et s’est vu attribué le prix d’interprétation pour ce rôle à Cannes, ce film serait sans doute retomber comme un soufflet. Grâce à lui, il reste intéressant mais n’est jamais la claque qu’on attend de la caméra de Vintenberg, depuis Festen.
Réalisé par Thomas Vinterberg – Danemark – 14 novembre Avec Mads Mikkelsen, Thomas Bo Larsen, Annika Wedderkopp, Lasse Fogelstrom….