Lire Alain Rémond coule comme un ruisseau. Il dévale, on lit vite son livre qui court, passionné, incisif. Que retient-on ?
On retient ce à quoi on tient. On semble fait pour s’entendre. Il est de Trans (Ille & Vilaine) et du monde. De Dinan (Côtes d’Armor) et de partout, du XXème arrondissement, rue du Maroc, rue de Tanger, rue d’Aboukir. Sa géographie se rit des frontières, se fout des murs et des barrières douanières. Sa géographie est morale.
Pas une morale étriquée ni réduite aux acquêts. Une morale morale, une éthique éthique. Rémond vote pour le libre, le léger bien qu’il sache qu’il y ait des sales embuscades, des politiciens aux aguets qui veulent fermer, trancher, exclure et pervertir.
On se demande à quoi sert Alain Rémond. Sa littérature est si ordinaire. Ses propos si vertueux. Il aime le terreau soixante-huitard qui l’a nourri. Il ne renie rien de la foi d’où il vient. Il ne renonce pas aux Lumières tout en sachant que l’obscur guette.
On peut craindre le prêchi-prêcha, ce fut son école après tout, et vaticane de surcroit ! Alain Rémond n’est ni cul béni ni dévot. Il croit et ça le regarde. Il ne parle pas de ça, mais des racines chrétiennes revues et corrigées, de l’instrumentalisation mortifère qui s’ensuit. Il ne nomme aucun de celles ou ceux qui font feu de ce bois nauséeux. Il interroge d’un point de vue critique et sans rien concéder aux fous furieux de Charlie ou du Bataclan. Il met en perspective et n’essentialise pas, ne concédant rien non plus aux inquisiteurs du treizième ou aux thuriféraires de la manif pour tous. Là j’extrapole, il ne parle pas de cette dernière.
Lire Alain Rémond, c’est poursuivre avec élégance et enthousiasme son itinéraire bis. Il est là, guetteur du bon côté, accueillant sans angélisme, affrontant le nouveau contrat social sans nostalgie ni duperie.
Il sait que notre société change et que ce n’est pas simple. C’est un cousin qu’on reçoit avec plaisir le dimanche midi à table, avec lequel on est d’accord. Il aime qui on aime, déteste qui on déteste. Il s’accorde avec une société du multiple, avec des quartiers du contraste et sans référer à une illusoire histoire dont Jeanne et Vercingétorix seraient les zéroïques zéros !
Il affronte l’invention permanente de la France, de l’Europe et des mondes. C’est un moderne. Il est de Trans, où figurez-vous que ce n’était pas l’idéal non plus. Venant de Normandie, dans la cour de récré, il y est traité d’abord en étranger ! Puis annonçant qu’il était né à quinze kilomètres, à Combourg (Ille & Vilaine) ce qui n’a pu que rajouter à l’étrangeté louche de cet individu !