Au moment où paraît la trente-septième aventure policière de Mary Lester,  Villa des quatre vents - dont nous rendrons bientôt compte ici - nous publions un entretien avec Jean Failler. Son indéniable talent en matière de littérature populaire contraste heureusement avec la redoutable médiocrité de la foule trop nombreuse de ses imitateurs. A la terrasse du café où nous l’avons rencontré, des passants le saluent et il a pour chacun un mot chaleureux.  Deux heures à l’écouter parler sont un véritable plaisir, sans manière ni pose. Un  petit bonheur simple.


AGM : Quel écrivain êtes-vous ?

 JF : Je ne prétends pas à ce titre ronflant !  Je suis un raconteur d’histoires. Mon vrai bonheur c’est quand une lectrice ou un lecteur vient me dire : vous m’avez fait passer un excellent moment. A cela se bornent mes ambitions littéraires.

AGM : Quand avez-vous commencé à écrire ?

JF : J’ai toujours voulu écrire mais j’ai exercé un métier très accaparant. J’étais mareyeur, j’avais fort peu de temps à moi. C’est le chômage qui m’a donné l’occasion d’écrire. En 1990, c’était la crise de la pêche, je n’avais guère de reconversion possible. J’ai pris une rame…de papier et j’ai écrit !

AGM : Avez-vous des modèles ?

JF : Non, il est des écrivains que j’admire mais on ne doit jamais essayer de « faire comme ». Faire comme  Simenon ou Dumas, c’est se condamner à écrire du mauvais Simenon ou du mauvais Dumas. Ceci dit, un littérateur emprunte, s’imbibe puis restitue. Et ajoute sa pierre.

AGM : Comment avez-vous inventé votre héroïne Mary Lester ?

 JF : Une de mes premières œuvres Les Brumes de Lanester, écrite en 1987, était une pièce de théâtre. Son héros, un inspecteur de police, était un homme, Robert Le Ster (en breton, la rivière).  Quand un metteur en scène a préféré donner le rôle à une actrice, Robert est devenu… Marie ! Une coquille d’imprimeur –un blanc qu’on oublie – a fait le reste. Marie Le Ster est devenue Lester (puis Mary), un nom parfaitement britannique.

AGM : Etes-vous un « auteur breton » ?

JF : On est dit écrivain régionaliste quand on écrit à Quimper, Pau ou Strasbourg et «  écrivain national » quand on écrit dans le sixième arrondissement ! Ces étiquettes me paraissent réductrices. Mes livres décrivent la Bretagne car  c’est ma région d’origine et celle où je vis mais les personnages que je crée ont une dimension universelle. Le marin de Concarneau que l’on prive de travail n’est pas différent de celui de Marseille ou celui d’un port américain. Comme les romanciers du Sud des Etats-Unis, je me sers de l’histoire comme d’un simple fil, et, au-delà de ce prétexte, importent l’atmosphère, les climats, les conditions de vie.

AGM : Etes-vous grand lecteur ?

JF : Oui, avant d’écrire, j’ai énormément lu. Les classiques ont fait mon bonheur : ce sont mes « bons maîtres ». Actuellement, je relis Théophile Gautier qui a enchanté ma jeunesse. C’est extraordinaire !  Edmond About aussi m’émerveille par sa verve. Ces auteurs qu’on ne lit plus guère étaient des génies. Je confesse une moindre admiration pour Amélie Nothomb !

AGM : Quels sont vos procédés d’écriture ?

JF : Je pars presque toujours d’un fait divers et j’invente la suite, un peu à la façon d’Alexandre Dumas. Je ne bâtis jamais de plan.  J’écris un chapitre par jour et je conclus quand le livre commence à « déborder ». Parfois deux tomes sont nécessaires !

AGM : Vous avez créé votre maison d’édition ?

JF : J’ai créé les Editions du Palémon par « auto-défense » car les auteurs me paraissent le plus souvent grugés par les éditeurs classiques.

AGM : Repérez-vous soigneusement les lieux avant d’écrire ?

JF : Oui, je procède un peu comme Simenon qui disait s’imprégner comme une éponge pour n’avoir plus qu’à presser ! Je vais sur place, dans les quartiers, au marché, j’écoute les gens parler. Je photographie aussi tous les lieux qui m’intéressent et je me projette ces photos quand j’écris. Mon lectorat est très attentif à tout cela et la moindre erreur me vaut quantité de lettres de protestation !

AGM : Connaissez-vous le breton ?

JF : Je suis comme le chien d’Angéla Duval : je le comprends bien mais j’ai du mal à le parler ! ( Il rit et répète toutefois la phrase en breton). Mais je me promène surtout en Bretagne. Où pourrait-on être mieux qu’ici ? J’écris quand il pleut !

AGM : Etes-vous seulement le « raconteur d’histoires » que vous prétendez être ?

JF : Mais oui, le terme d’écrivain est vraiment trop galvaudé …et d’abord par des gens qui cherchent des compliments !


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Edito

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