Au terme du débat et des polémiques qui ont eu lieu pour savoir si certains cours à l’université devaient être dispensés en anglais, l’Assemblée Nationale et le Sénat ont voté l’élargissement.

Depuis des lustres, nombreux sont les groupes de rock – comme ceux d’autres chapelles musicales – qui chantent communément en anglais. Et ça ne semble déranger personne. Il ne m’a d’ailleurs pas paru que la foule des auditeurs présents sur la place Hoche ce vendredi soir, s’en soit émue face au groupe Heartbreak Hotel*. De fait, quête d’une audience élargie ou pas, chanter en anglais est si courant que cela pourrait passer pour une sorte de norme. On peut de ce point de vue imaginer que, de répétition en répétition, nos jeunes chanteurs ont travaillé dans leur garage à peaufiner leur pratique de la langue. Ceux-là seront-ils véritablement gênés de devoir s’y plier également durant leurs études et face à la mondialisation ne faut-il pas se résoudre à parler (correctement) anglais… ? 

En d’autres temps, il a bien fallu accepter le passage à la langue vulgaire, se substituant à la docte langue latine pour évangéliser les masses. Aujourd’hui c’est pour répondre à la loi imparable du marché qu’intervient la transition linguistique. Et ce n’est pas l’argument qui consiste à faire venir davantage d’étudiants étrangers qui en est la véritable raison, mais bien qu’il faille accepter la prédominance d’une langue désormais hégémonique car si nous voulons pleinement participer à la marche du monde, nous devons vaille que vaille nous résoudre à parler langue commune.

Faut-il résister ? Est-ce qu’accepter équivaut à perdre encore un peu de notre identité ? Doit-on lutter pour différer l’inéluctable ? Le phénomène n’est pas sans rappeler les difficultés que rencontre aujourd’hui le livre, difficultés dont il est question dans nos colonnes et auxquelles il faudra bien faire face.

Alors quel est le meilleur moyen de préserver notre langue ou plutôt nos langues – français mais aussi breton ou gallo -, pour sauvegarder les éléments qui fondent et font notre culture et notre identité ? Devons-nous considérer, à l’instar de l’écrivain Kateb Yacine au lendemain de l’indépendance algérienne, que perpétuer la langue de l’ex colonisateur est « un butin de guerre » ? Nous aussi ne devons-nous pas réduire cette invasion à ce qu’elle est, une « pratique pragmatique », tout en œuvrant à préserver notre patrimoine linguistique ? Parler breton et anglais ne serait pas exclusif l’un de l’autre. On sait que la langue est l’instrument du pouvoir, mais la refuser risque de nous laisser sur la touche. Nous sommes, que nous le voulions ou non, partie intégrante du melting-pot global. Ces jeunes, devant et sur nos scènes, ne se posent pas la question : cette intrusion diffuse est devenue leur ordinaire. Il ne viendrait à l’idée de personne de leur en interdire la pratique. La seule résistance véritable est de redonner leur pleine et entière vigueur à toutes les expressions culturelles locales, d’en faire écho et de les promouvoir, envers et contre – ou peut-être plutôt en sus – de l’acceptation de la langue du colonisateur culturel.

*Heartbreak Hotel est programmé aux Vieilles Charrues, le Vendredi 19 Juillet à 19h50.


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