Installé à Rennes depuis une quinzaine d’années, Da Silva sort son 6ealbum, L’Aventure. Il y explore encore ses thèmes fétiches avec des mélodies entêtantes, enveloppées de riches et chaudes orchestrations. Il prend le contrepied du minimalisme de ses débuts et de l’électro actuelle, comme l’affirmation d’une liberté qu’il veut totale. Il la trouve aussi en Bretagne qui lui correspond en tous points.


Les orchestrations changent radicalement sur ce dernier disque ?
J’avais envie d’une identité plus forte. Je voulais une orchestration ample, avec des arrangements seventies, avec un côté baroque, des arrangements d’autrefois.
La production actuelle, en 2017, c’est beaucoup d’électronique, très peu d’information et d’orchestration et moi je voulais tout l’inverse : beaucoup de musiciens, très peu d’électronique et beaucoup d’orchestre. Parce que je fais toujours un album en réaction à quelque chose. J’aime être surpris, j’aime me surprendre, j’aime explorer. Je ne suis pas quelqu’un qui creuse toujours le même sillon. Et surtout j’en ai marre d’entendre que des trucs électro, complètement désincarnée, très froid. J’avais envie d’un truc chaleureux, avec beaucoup d’orchestre, avec des cuivres, de vents, des flutes traversières, retrouver de la guitare, du violon…

Comment définis-tu ta musique ?
Ça, c’est un débat d’anciens combattants. Il n’y a plus du tout d’étiquettes sur la musique, je crois. C’est très difficile. J’espère pouvoir dire que ça ressemble à un disque de Da Silva. Un album de pop, de variété, de la chanson ? Qu’est-ce que la chanson ? Qu’est-ce que la variété ? Tout est de la variété.

Tes premières influences sont assez éloignées de la chanson ?
La toute première chose que j’ai écoutée, c’est du punk-rock. Des trucs un peu bas du front, très direct, hyper immédiats, super en colère, super nerveux. Et je me suis ouvert, à la musique industrielle, plus élaborée, et à la musique électro, à la pop, au jazz, à la world music. Et aujourd’hui, j’écoute vraiment tout.

Si tu sembles avoir plus d’audace dans la forme, on retrouve les thèmes que tu évoques toujours dans tes chansons ?
On retrouve mes obsessions : le sentiment amoureux, le regard de l’autre, des chansons très romantiques aussi, le sentiment de colère que j’avais déjà abordé dans Eloge de la colère. C’est ça aussi un auteur : tout au long de sa vie, il creuse des sujets. Et c’est ça aussi la vie : dire et redire, tricoter et retricoter les histoires. On redit les choses différemment. C’est pour ça qu’on les revit différemment. C’est ça la grande aventure de la vie, celle dont je parle. J’aime ce sentiment d’être perdu, de ne pas savoir ce qu’il y aura demain, ça représente bien aussi mon métier. Etre artiste me correspond peut-être parce que je ne sais ce qui va m’arriver demain.
Mais ce n’est pas demain que je vais faire de la musique festive, on peut le dire (rires). C’est peut-être parce que  j’ai cette angoisse, le seul sentiment qui ne ment pas.

Comment as-tu découvert Rennes et la Bretagne ?
J’y suis arrivé en 2000, il y a 17 ans. Je venais de Nevers. J’ai décidé de quitter Nevers avec cette phrase d’Andy Warhol en tête : « Mieux vaut être personne à New-York que quelqu’un à Pittsburgh ». A Nevers, j’étais une espèce de coqueluche dans une petite ville, j’avais une petite notoriété locale. J’ai décidé de mettre le cap vers la Bretagne.

Gamin, j’allais en vacances dans le Finistère, au Guilvinec. Je savais que la Bretagne était une terre de musique.  Plein de groupes qui venaient de Rennes rayonnaient. L’ouest résonnait fort en moi, comme une attirance. Et j’ai toujours aimé l’océan. J’ai des racines portugaises. Il y a beaucoup de similitudes entre la côte portugaise et la côte bretonne. Il y a même un village portugais où il y a des maisons bretonnes. J’étais assez attiré par la Bretagne

Jean-Louis Brossard m’a fait jouer aux Transmusicales en 2000 (sous le nom de Mitsu, mêlant électro et chanson) et ça m’a permis de m’installer plus solidement à Rennes financièrement. J’ai rencontré plein de gens.
Je suis parti à Brest, 9 mois, à Dinan, un an et demi, et suis revenu à Rennes.
Je m’y suis senti bien. Tout me correspondait : le climat, ces précipitations, ce changement permanent de ciels, de lumières, les saisons. Et puis Rennes est étudiante, il se passe des choses.

Tu te sens rennais ?
Plus breton que rennais. Attaché à la Bretagne en tous cas. Au bout de 17 ans… Même si certains te diraient que je ne le suis pas.
C’est une terre très ouverte, accueillante. Breton, ça veut vraiment dire un truc : il y a une vraie identité, un vrai caractère, une vraie façon de vivre, surtout quand tu tournes et visites la France. Tu te rends compte de l’influence des régions sur les hommes. On ne vit pas du tout pareil dans le sud-ouest qu’en Bretagne ou dans le sud-est. Ici, je me retrouve dans la cuisine, l’architecture, le climat, la flore, la faune, les paysages marins… Ça me parait évident. Je ne changerais ça pour rien au monde…

Rennes est agréable à vivre ?
Hyper agréable. C’est la taille idéale, un grand village avec des marchés un peu partout. C’est une ville où il fait bon vivre. Je me sens à l’aise.

Quel est ton lieu préféré en Bretagne ?
Saint Briac (voisin de Saint-Lunaire en Ille-et-Vilaine) : il n’y a pas beaucoup de monde, je suis à peu près seul sur la côte. J’adore le chemin côtier, je tombe de crique en crique. J’aime le décor, le paysage, la façon dont les pins sont inclinés. C’est un chemin que j’aime faire. Il y a une plage que j’aime. J’aime me retrouver là-bas face à un petit fort.
J’aime aussi Port-Manech, dans le Finistère, proche du Morbihan, avec le Belon (fleuve côtier) en face. J’adore aussi Perros-Guirec, la côte de granit rose, et la presqu’île de Crozon… C’est un luxe de pouvoir avoir une côte nord et  une côte sud dans une région ! On ne se rend pas compte. Et on parle beaucoup de la côte mais peu des terres. Les Monts d’Arrée, c’est fabuleux. Il n’y a pas d’équivalent, peut-être la Corse. Et la Bretagne est hyper préservée.

Y a-t-il un artiste ou une personnalité bretonne qui soit important pour toi ?
Oui, Richard Dumas compte énormément pour moi. Il représente une excellence dans son art la photographie et en même temps il est captivant, passionnant, terriblement humain. On partage tous les deux ce goût pour le Portugal. Il a travaillé sur le cinéma portugais. Il n’est jamais là où on l’attend. Il est très surprenant en photo et en discussion.

Es-tu « fan » d’un restaurant ?
Le Saison, à Saint-Grégoire. Un très bon restaurant tenu par David Etcheverry, extraordinaire. J’y vais souvent.

Un bistrot ?
Je vais partout moi ! (rires).

Une salle de concert particulière ?
J’aime tellement jouer en Bretagne. Il y en a plein. Je sais comment communiquer. Les vannes ne font pas flop… Je suis à l’aise.

Propos recueillis par Grégoire Laville

Album L’Aventure, PIAS


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